George Sand et ses amis
Joseph Mazzini : «Vous vous étonnez que je puisse faire de la littérature ; moi, je remercie Dieu de m'en conserver la faculté, parce qu'une conscience honnête, et pure comme la mienne, trouve encore, en dehors de toute discussion, une œuvre de moralisation à poursuivre. Que ferais-je donc si j'abandonnais mon humble tâche ? Des conspirations ? Ce n'est pas ma vocation, je n'y entendrais rien. Des pamphlets ? Je n'ai ni fiel ni esprit pour cela. Des théories ? Nous en avons trop fait et nous sommes tombés dans la dispute, qui est le tombeau de toute vérité, de toute puissance. Je suis, j'ai toujours été artiste avant tout ; je sais que les hommes purement politiques, ont un grand mépris pour l'artiste, parce qu'ils le jugent sur quelques types de saltimbanques qui déshonorent l'art. Mais vous, mon ami, vous savez bien qu'un véritable artiste est aussi utile que le prêtre et le guerrier ; et que, quand il respecte le vrai et le bon, il est dans une voie où Dieu le bénit toujours.
L'art est de tous les temps et de tous les pays ; son bienfait particulier est précisément de vivre encore quand tout semble mourir.»
George Sand va-t-elle traduire en actes cette fière profession de foi ? Trouvera-t-elle les mêmes inspirations éloquentes et pathétiques, alors que l'exaltation enthousiaste de ses premières oeuvres fera place à des sentiments plus pondérés et plus bourgeois ? Il semble qu'elle ait voulu dresser son bilan en composant l'Histoire de ma Vie, qu'elle termine ou plutôt qu'elle arrête à la veille des événements de 1848. Son oeuvre, à partir de cette époque, cesse d'être orientée, soit vers la thèse conjugale, soit vers la formule socialiste, soit vers les horizons rustiques, et tente un peu au hasard des sentiers nouveaux.
Le Château des Désertes est la suite de Lucrezia Floriani : dans cette demeure des Boccaferri on joue la comédie de salon sur une petite estrade, comme à Nohant.-Les Mississipiens sont une pièce écrite à la hâte sur l'affaire de Law, et qui met aux prises la noblesse et la roture.-Dans les Maîtres Sonneurs, publiés en 1853, résonne un écho, mélancoliquement affaibli, des romans champêtres. La dédicace est adressée à cet Eugène Lambert, l'hôte familier de Nohant, sorte d'enfant adoptif, qui disait un jour à George Sand : «A propos, je suis venu ici, il y a bientôt dix ans, pour y passer un mois. Il faut pourtant que je songe à m'en aller.» Dans la préface des Maîtres Sonneurs, elle lui répond : «Je t'ai laissé partir, mais à la condition que tu reviendrais passer ici tous les étés. Je t'envoie ce roman comme un son lointain de nos cornemuses, pour te rappeler que les feuilles poussent, que les rossignols sont arrivés, et que la grande fête printanière de la nature va commencer aux champs.»
Sur les faits et gestes des muletiers maîtres sonneurs du Bourbonnais, et notamment du Grand Bûcheur dont le fils Huriel aime la gracieuse Brulette, se détachent quelques jolis dessins de la vie campagnarde, un brin poétisée. Voici des propos tenus entre deux danses, à une assemblée villageoise : «Je suis sotte et rêvasseuse, dit la fille, enfin je m'imagine d'être aussi mal placée en une compagnie que le serait un loup ou un renard que l'on inviterait à danser.» Et le gars réplique : «Vous n'avez pourtant mine de loup ni d'aucune bête chafouine, et vous dansez d'une aussi belle grâce que les branches des saules quand un air doux les caresse.» Très séduisante aussi cette antithèse, qui évoque le souvenir de Cendrillon et de telle de ses soeurs : «Je venais de voir Brulette, aussi brillante qu'un soleil d'été, dans la joie de son amour et le vol de sa danse ; Thérence était là, seule et contente, aussi blanche que la lune dans la nuit claire du printemps. On entendait au loin la musique des noceux ; mais cela ne disait rien à l'oreille de la fille des bois, et je pense qu'elle écoutait le rossignol qui lui chantait un plus beau cantique dans le buisson voisin.»-Des champs nous passons sur les planches, avec Adriani. C'est, en quelque château du Vivarais, l'histoire d'un chanteur, d'abord amateur, qui s'éprend de Laure de Larnac, veuve d'Octave de Monteluz. Elle n'a guère plus de vingt ans et passe pour folle. Il la console. Ils s'aiment, et elle l'épouse, malgré les anathèmes de son entourage aristocratique. L'idée maîtresse du roman est l'apologie des musiciens, des acteurs,
Weitere Kostenlose Bücher