George Sand et ses amis
dit-elle, d'une tentative déshonorante pour ceux qui l'ont faite, pour ceux qui l'ont conseillée en secret et pour ceux qui l'ont approuvée publiquement, sans vouloir en appeler à la justice des hommes pour réprimer un délit bien conditionné d'outrage et de calomnie, répression qui nous serait trop facile, et qui aurait l'inconvénient d'atteindre, dans la personne des vivants, le nom porté par un mort illustre... On peut, ajoute-t-elle, être femme et ne pas se sentir atteint par les divagations de l'ivresse ou les hallucinations de la fièvre, encore moins par les accusations de perversité qui viennent à l'esprit de certaines gens habitués à trop vivre avec eux-mêmes.» Elle atteste qu'Elle et Lui est un livre sincère-mais était-ce un livre utile ?-elle le déclare «vrai sans amertume et sans vengeance» ; enfin, elle lance cette apostrophe où l'indignation imprime au style un incomparable éclat : «Quant aux malheureux esprits qui viennent d'essayer un genre nouveau dans la littérature et dans la critique en publiant un triste pamphlet, en annonçant à grand renfort de réclames et de déclamations imprimées que l'horrible héroïne de leur élucabration était une personne vivante dont il leur était permis d'écrire le nom en toutes lettres, et qui lui ont prêté leur style en affirmant qu'ils tenaient leurs preuves et leurs détails de la main d'un mourant, le public a déjà prononcé que c'était là une tentative monstrueuse dont l'art rougit et que la vraie critique renie, en même temps que c'était une souillure jetée sur une tombe. Et nous disons, nous, que le mort illustre renfermé dans cette tombe se relèvera indigné quand le moment sera venu. Il revendiquera sa véritable pensée, ses propres sentiments, le droit de faire lui-même la fière confession de ses souffrances et de jeter encore une fois vers le ciel les grands cris de justice et de vérité qui résument la meilleure partie de son âme et la plus vivante phase de sa vie. Ceci ne sera ni un roman, ni un pamphlet, ni une délation.
Ce sera un monument écrit de ses propres mains et consacré à sa mémoire par des mains toujours amies. Ce monument sera élevé quand les insulteurs se seront assez compromis. Les laisser dans leur voie est la seule punition qu'on veuille leur infliger. Laissons-les donc blasphémer, divaguer et passer.» D'un dernier trait dédaigneux, l'auteur de la préface signale qu'occupé en Auvergne à suivre les traces d'un roman nouveau à travers les sentiers embaumés, au milieu des plus belles scènes du printemps, «il avait bien emporté le pamphlet pour le lire, mais il ne le lut pas. Il avait oublié son herbier, et les pages du livre infâme furent purifiées par le contact des fleurs du Puy-de-Dôme et du Sancy.»
Il y a, dans Jean de la Roche, mieux qu'une préface vibrante, le récit délicat d'un amour contrarié, avec la perspective des paysages d'Auvergne où se dresse la pittoresque silhouette du château de Murols. Jean, élevé par une mère pieuse dans un petit manoir du Velay, aime Love, la fille un peu capricieuse de M. Butler. «En elle la grâce et les parfums couvraient un coeur de pierre inaccessible.» Ecarté d'abord par la maladive jalousie du jeune Hope, frère de Love, il part pour un voyage de cinq ans autour du monde. Quand il revient, il trouve Hope apaisé, et les accordailles se concluent sur les pentes du Sancy, alors que Jean de la Roche, déguisé en guide, aide à porter la chaise de Love qui s'est foulé le pied à la Roche-Vendeix.
Un peu auparavant, George Sand avait publié, en 1859, les Dames Vertes, bizarre aventure du jeune avocat Nivières, qui, chargé de plaider en 1788 pour la famille d'Ionis contre la famille d'Aillane, couche au château d'Ionis dans la chambre où apparaissent les dames vertes : l'apparition, c'est mademoiselle d'Aillane qu'il épousera ;-la Filleule, non moins baroque odyssée de la gitanilla Morenita, recueillie à Fontainebleau par le romanesque Stephen, et qui s'éprend de son protecteur :
-Laura, avec le sous-titre : Voyage dans le cristal, rêverie fantasmagorique de pérégrination au pôle arctique ;-Flavie, analyse d'une jeune fille à l'âme de papillon, qui hésite entre deux prétendants Malcolm et Emile de Voreppe, honnête récit où il n'y a lieu de retenir que cet aphorisme où se reflète George Sand : «Je n'aime pas l'argent, mais j'adore la dépense» ; -Constance Verrier, dont la préface
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