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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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terminer ses études et exerçait depuis quelques mois la chirurgie et la médecine à Venise. Sa clientèle était encore mince. Un jour-c'est lui qui le raconte-en se promenant sur le quai des Esclavons avec un Génois de ses amis, il vit à un balcon de l'Albergo Danieli, «une jeune femme assise, d'une physionomie mélancolique, avec les cheveux très noirs et deux yeux d'une expression décidée et virile. Son accoutrement avait un je ne sais quoi de singulier. Ses cheveux étaient enveloppés d'un foulard écarlate, en manière de petit turban. Elle portait au cou une cravate, gentiment attachée sur un col blanc comme neige, et, avec la désinvolture d'un soldat, elle fumait un paquitos en causant avec un jeune homme blond, assis à ses côtés.» Le lendemain-est-ce pure coïncidence, ou George Sand avait-elle remarqué et désirait-elle connaître celui qui l'observait avec tant de curiosité ?-Pagello fut appelé à l'hôtel Danieli. «Je fus introduit, raconte-t-il à des amis, dans l'appartement de la fumeuse qui, assise sur un petit siège, la tête mollement appuyée sur sa main, me pria de la soulager d'une forte migraine. Je lui tâtai le pouls ; je lui proposai une saignée qu'elle accepta ; je la pratiquai, et à l'instant elle fut soulagée. En me congédiant, elle me pria de revenir, si elle ne me faisait rien dire. Le jeune homme blond, son compagnon inséparable, me reconduisit avec beaucoup de courtoisie jusqu'au bas de l'escalier, et voilà tout, tout ce qui est arrivé aujourd'hui ; mais un pressentiment-doux ou amer, je ne sais-me dit : «Tu reverras cette femme, et elle te dominera.»
    Notons que déjà George Sand avait fait venir un médecin, le docteur Santini, qui n'avait pas pu la saigner, parce qu'elle avait, paraît-il, une veine fort difficile, vena difficilissima. Elle préféra Pagello, qui avait su trouver sa veine et qui était un fort joli garçon blond, presque roux, de vingt-sept ans. Elle aimait les blonds. Le surlendemain, il fit une seconde visite. Elle était debout et guérie. Quinze ou vingt jours plus tard, on l'appela de nouveau, mais non plus pour George Sand. Voici la traduction du billet qu'elle lui avait écrit, en mauvais italien :
    «Mon cher monsieur Païello (Pagello),
    «Je vous prie de venir nous voir le plus tôt que vous pourrez, avec un bon médecin, pour conférer ensemble sur l'état du signor français de l'Hôtel-Royal. Mais je veux vous dire auparavant que je crains pour sa raison plus que pour sa vie. Depuis qu'il est malade, il a la tête excessivement faible et raisonne souvent comme un enfant. C'est cependant un homme d'un caractère énergique et d'une puissante imagination. C'est un poète fort admiré en France. Mais l'exaltation du travail de l'esprit, le vin, la fête, les femmes, le jeu, l'ont beaucoup fatigué et ont excité ses nerfs. Pour le moindre motif, il est agité comme pour une chose d'importance.
    «Une fois, il y a trois mois de cela, il a été comme fou, toute une nuit, à la suite d'une grande inquiétude. Il voyait comme des fantômes autour de lui, et criait de peur et d'horreur [Elle fait allusion aux hallucinations survenues à Franchard.]. A présent, il est toujours inquiet, et, ce matin, il ne sait presque ni ce qu'il dit, ni ce qu'il fait.
    Il pleure, se plaint d'un mal sans nom et sans cause, demande son pays, dit qu'il est près de mourir ou de devenir fou !
     «Je ne sais si c'est là le résultat de la fièvre, ou de la surexcitation des nerfs, ou d'un principe de folie. Je crois qu'une saignée pourrait le soulager. Je vous prie de faire toutes ces observations au médecin et de ne pas vous laisser rebuter par la difficulté que présente la disposition indocile du malade. C'est la personne que j'aime le plus au monde, et je suis dans une grande angoisse de la voir en cet état.
    «J'espère que vous aurez pour nous toute l'amitié que peuvent espérer deux étrangers.
    «Excusez le misérable italien que j'écris.
    «G. SAND.»
    Quel fut, au chevet de Musset, le diagnostic du docteur Pagello ? Il l'a résumé longtemps après, alors qu'il ne s'agissait plus de violer le secret professionnel, dans une lettre au professeur Moreni : «L'impression que me fit l'extérieur de Musset n'était pas nouvelle pour moi ; elle resta la même que quinze jours auparavant : figure fine et spirituelle, organisme enclin à la phtisie, ce que l'on voyait à ses mains longues et maigres, au faible développement de sa

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