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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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visite à Pise et du séjour à Florence, ni George Sand ni son compagnon ne semblent avoir voulu nous transmettre d'autre trace que la simple notation de leur itinéraire. On sait que, sur tout cet épisode, Alfred de Musset observa un silence qui contraste avec les commérages tardifs et malsonnants que colporta son frère, lorsque la volonté du poète ne fut plus là pour lui fermer la bouche et lui arrêter la plume. George SDu voyage par mer de Gênes à Livourne, de la visite à Pise et du séjourand, dans l'Histoire de ma Vie, relate simplement qu'ils jouèrent à pile ou face s'ils iraient à Venise ou à Rome. «Venise face retomba dix fois sur le plancher.» Par Bologne et Ferrare, ils gagnèrent Venise, où le passeport d'Alfred de Musset fut visé le 19 janvier 1834. Le «bon pour séjour» porte la signature du consul de France, Silvestre de Sacy.
    L'arrivée à Venise, qui a inspiré tant d'écrivains, ne pouvait manquer de solliciter la plume de George Sand. Elle l'a décrite dans une page, retrouvée et publiée par le vicomte de Spoëlberch de Lovenjoul, et qu'on peut regarder soit comme le début d'un roman abandonné, soit comme un morceau d'autobiographie. L'héroïne est atteinte de cette même fièvre qui depuis Gênes n'avait pas quitté la compagne d'Alfred de Musset. Il y a là des traits qui n'appartiennent pas au domaine de la fiction :
    «Il était dix heures du soir lorsque le misérable legno, qui nous cahotait depuis le matin sur la route sèche et glacée, s'arrêta à Mestre. C'était une nuit de janvier sombre et froide. Nous gagnâmes le rivage dans l'obscurité. Nous descendîmes à tâtons dans une gondole. Le chargement de nos paquets fut long. Nous n'entendions pas un mot de vénitien. La fièvre me jetait dans une apathie profonde. Je ne vis rien, ni la grève, ni l'onde, ni la barque, ni le visage des bateliers. J'avais le frisson, et je sentais vaguement qu'il y avait dans cet embarquement quelque chose d'horriblement triste. Cette gondole noire, étroite, basse, fermée de partout, ressemblait à un cercueil. Enfin je la sentis glisser sur le flot... Il faisait si noir que nous ne savions pas si nous étions en pleine mer ou sur un canal étroit et bordé d'habitations. J'eus, un instant, le sentiment de l'isolement. Dans ces ténèbres, dans ce tête-à-tête avec un enfant que ne liait point à moi une affection puissante, dans cette arrivée chez un peuple dont nous ne connaissions pas un seul individu et dont nous n'entendions pas même la langue, dans le froid de l'atmosphère dont l'abattement de la fièvre ne me laissait plus la force de chercher à me préserver, il y avait de quoi contrister une âme plus forte que la mienne.
    Mais l'habitude de tout risquer à tout propos m'a donné un fond d'insouciance plus efficace que toutes les philosophies. Qui m'eût prédit que cette Venise, où je croyais passer en voyageur, sans lui rien donner de ma vie, et sans en rien recevoir, sinon quelques impressions d'artiste, allait s'emparer de moi, de mon être, de mes passions, de mon présent, de mon avenir, de mon coeur, de mes idées, et me ballotter comme la mer ballotte un débris, en le frappant sur ses grèves jusqu'à ce qu'elle l'ait rejeté au loin, et, faible jouet, avec mépris ? Qui m'eût prédit que cette Venise allait me séparer violemment de mon idole, et me garder avec jalousie dans son enceinte implacable, aux prises avec le désespoir, la joie, l'amour et la misère ?... Tout à coup Théodore, ayant réussi à tirer une des coulisses qui servent de double persienne aux gondoles, et regardant à travers la glace, s'écria :-Venise !»
    Suit une description qui mérite d'être citée, car elle donne une impression à la fois véridique et pittoresque :
    «Quel spectacle magique s'offrait à nous à travers ce cadre étroit ! Nous descendions légèrement le superbe canal de la Giudecca ; le temps s'était éclairci, les lumières de la ville brillaient au loin sur ces vastes quais qui font une si large et si majestueuse avenue à la cité reine ! Devant nous, la lune se levait derrière Saint-Marc, la lune mate et rouge, découpant sous son disque énorme des sculptures élégantes et des masses splendides. Peu à peu, elle blanchit, se contracta, et, montant sur l'horizon au milieu de nuages lourds et bizarres, elle commença d'éclairer les trésors d'architecture variée qui font de la place Saint-Marc un site unique dans l'univers.
    «Au

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