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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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pourquoi, quand je vais dans le monde à présent, je regarde de travers comme un cheval ombrageux ? Je ne m'abuse sur aucun de tes défauts ; tu ne mens pas, voilà pourquoi je t'aime. Je me souviens bien de cette nuit de la lettre. Mais, dis-moi, quand tous mes soupçons seraient vrais, en quoi me tromperais-tu ? Me disais-tu que tu m'aimais ? N'étais-je pas averti ? Avais-je aucun droit ? O mon enfant chéri, lorsque tu m'aimais, m'as-tu jamais trompé ? Quel reproche ai-je jamais eu à te faire, pendant sept mois que je t'ai vue jour par jour ? Et quel est donc le lâche misérable qui appelle perfide la femme qui l'estime assez pour l'avertir que son heure est venue ? Le mensonge, voilà ce que j'abhorre, ce qui me rend le plus défiant des hommes, peut-être le plus malheureux. Mais tu es aussi sincère que tu es noble et orgueilleuse. Voilà pourquoi je crois en toi, et je te défendrai contre le monde entier jusqu'à ce que je crève.»
    Non qu'il promette à George Sand une autre fidélité que celle du souvenir. Il entend garder sa liberté ; il aura-et il l'en avertit-d'autres attachements. Déjà, depuis son retour, il a cédé à des fantaisies, comme pour secouer le joug de l'absente. La raison qu'il en donne est physiologique et printanière : «Les arbres se couvrent de verdure, et l'odeur des lilas entre ici par bouffées, tout renaît, et le coeur me bondit malgré moi.» Aussi bien s'est-il promis à lui-même que la première femme qu'il aimera sera jeune. Et cette déclaration est médiocrement flatteuse pour les trente ans révolus de George Sand ; mais presque aussitôt, et par contraste, il ajoute une impression tendre et même une câlinerie sentimentale. Il est allé chez elle quai Malaquais, il a trouvé dans la soucoupe des cigarettes qu'elle avait faites avant leur départ. «Je les ai fumées, dit-il, avec une tristesse et un bonheur étranges. J'ai, de plus, volé un petit peigne à moitié cassé dans la toilette, et je m'en vais partout avec cela dans ma poche.» Quelques lignes plus loin, nouvelle et singulière virevolte de la pensée : «Sais-tu une chose qui m'a charmé dans ta lettre ? C'est la manière dont tu me parles de Pagello, de ses soins pour toi, de ton affection pour lui, et la franchise avec laquelle tu me laisses lire dans ton coeur. Traite-moi toujours ainsi, cela me rend fier. Mon amie, la femme qui parle ainsi de son nouvel amant à celui qu'elle quitte et qui l'aime encore, lui donne la preuve d'estime la plus grande qu'un homme puisse recevoir d'une femme.» Du même coup ses félicitations et ses sympathies s'étendent à son successeur. Il la charge de l'en informer : «Dis à Pagello que je le remercie de t'aimer et de veiller sur toi comme il le fait. N'est-ce pas la chose la plus ridicule du monde que ce sentiment-là ? Je l'aime, ce garçon, presque autant que toi ; arrange cela comme tu voudras.
    Il est cause que j'ai perdu toute la richesse de ma vie, et je l'aime comme s'il me l'avait donnée. Je ne voudrais pas vous voir ensemble, et je suis heureux de penser que vous êtes ensemble. Oh ! mon ange, mon ange, sois heureuse et je le serai.» Puis c'est l'aveu, le cri du coeur, qu'à cette époque il profère dans chacune de ses lettres : «Je t'ai si mal aimée !»
    Cependant il l'entretient de projets littéraires auxquels elle est mêlée. Il a l'intention d'écrire un roman qui sera leur histoire, celui-là même qu'il intitulera la Confession d'un enfant du siècle. «Il me semble que cela me guérirait et m'élèverait le coeur. Je voudrais te bâtir un autel, fût-ce avec mes os ; mais j'attendrai ta permission formelle.» Il insiste, il entend la venger de tant de calomnies stupides. Le monde s'étonnera, rira peut-être de ce mouvement chevaleresque d'un amant abandonné. Qu'importe ? «Il m'est bien indifférent qu'on se moque de moi, mais il m'est odieux qu'on t'accuse avec toute cette histoire de maladie.» Et voilà, sous la plume d'Alfred de Musset, la réfutation anticipée de tout ce qu'inventera et publiera l'humeur enfiellée de son frère !
    Le 12 mai, George Sand répond point par point et donne au poète pleine licence d'user de sa liberté reconquise : «Aime donc, mon Alfred, aime pour tout de bon. Aime une femme jeune, belle et qui n'ait pas encore aimé, pas encore souffert. Ménage-la, et ne la fais pas souffrir ; le coeur d'une femme est une chose si délicate, quand ce n'est pas un glaçon ou une

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