Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
Vom Netzwerk:
et mon amie ; elle le sait, elle me le dit. Toutes les fibres de mon corps voudraient s'en détacher pour aller à elle et la saisir ; toutes les nobles sympathies, toutes les harmonies du monde nous ont poussés l'un vers l'autre, et il y a entre nous un abîme éternel !»
    Afin d'occuper ses tristes loisirs, il lit Werther, la Nouvelle Héloïse. «Je dévore, dit-il, toutes ces folies sublimes dont je me suis tant moqué. J'irai peut-être trop loin dans ce sens-là, comme dans l'autre. Qu'est-ce que cela me fait ? J'irai toujours.» Et sous sa plume vient une de ces pensées charmantes par où il savait effacer les bizarreries de son humeur et les pires écarts de sa conduite : «Ne t'offense pas de ma douleur, ange chéri. Si cette lettre te trouve dans un jour de bonheur et d'oubli, pardonne-la moi, jette-la dans la lagune ; que ton coeur n'en soit pas plus troublé que son flot tranquille, mais qu'une larme y tombe avec elle, une de ces belles larmes que j'ai bues autrefois sur tes yeux noirs.»
    Le 24 mai, George Sand écrit à son tour ; la lettre arrive à Paris le 2 juin. Il n'en faut retenir que ce qui précise respectivement leur état d'âme. Elle revient sur les mérites de Pagello et les énumère avec complaisance : «J'ai là, près de moi, mon ami, mon soutien ; il ne souffre pas, lui ; il n'est pas faible, il n'est pas soupçonneux ; il n'a pas connu les amertumes qui t'ont rongé le coeur ; il n'a pas besoin de ma force, il a son calme et sa vertu ; il m'aime en paix, il est heureux sans que je souffre, sans que je travaille à son bonheur. Eh bien, moi, j'ai besoin de souffrir pour quelqu'un, j'ai besoin d'employer ce trop d'énergie et de sensibilité qui sont en moi. J'ai besoin de nourrir cette maternelle sollicitude qui s'est habituée à veiller sur un être souffrant et fatigué. Oh.'pourquoi ne pouvais-je vivre entre vous deux et vous rendre heureux sans appartenir ni à l'un ni à l'autre ? J'aurais bien vécu dix ans ainsi.»
    Cette idée lui agrée ; elle y insiste, et elle croit ouïr la voix de Dieu, tandis que les hommes, déconcertés par la singularité de ses paroles, de ses actes, et par l'audace de ses professions de foi, lui crient : horreur, folie, scandale, mensonge, la couvrent d'anathèmes et de malédictions. Elle ne veut ni s'en émouvoir ni s'en indigner. Les clabauderies d'en bas ne sauraient l'atteindre, et elle a recours, pour s'en expliquer, à une réminiscence de sa prime jeunesse : «Je me souviens du temps où j'étais au couvent. La rue Saint-Marceau passait derrière notre chapelle. Quand les forts de la Halle et les maraîchères élevaient la voix, on entendait leurs blasphèmes jusqu'au pied du sanctuaire. Mais ce n'était pour moi qu'un son qui frappait les murs.
    Il me tirait quelquefois de ma prière dans le silence du soir ; j'entendais le bruit, je ne comprenais pas le sens des jurements grossiers. Je reprenais ma prière sans que mon oreille ni mon coeur se fussent souillés à les entendre. Depuis, j'ai vécu retirée dans l'amour comme dans un sanctuaire, et quelquefois les sales injures du dehors m'ont fait lever la tête, mais elles n'ont pas interrompu l'hymne que j'adressais au ciel, et je me suis dit comme au couvent : «Ce sont des charretiers qui passent.» Cependant elle annonce son retour pour le mois d'août. Sans doute, quand ils se reverront, il sera engagé dans un nouvel amour. Elle le désire et le craint tout ensemble. C'est une lutte entre sa tendresse de mère et ses instincts d'amante. «Je ne sais, écrit-elle, ce qui se passe en moi quand je prévois cela. Si je pouvais lui donner une poignée de main à celle-là ! et lui dire comment il faut te soigner et t'aimer ; mais elle sera jalouse, elle te dira : «Ne me parlez jamais de madame Sand, c'est une femme infâme.» Plus heureuse-et ici la liaison des idées est d'une rare ingénuité-elle peut parler d'Alfred de Musset à Pagello, sans voir un front se rembrunir, sans entendre une parole amère. Le nouvel occupant est d'une complexion sentimentale des plus accommodantes ; il a de l'amour pour son prédécesseur, et George Sand se complaît à l'entretenir dans ce culte pieux. «Ton souvenir est une relique sacrée, ton nom est une parole solennelle que je prononce le soir dans le silence des lagunes et auquel répond une voix émue et une douce parole, simple et laconique, mais qui me semble si belle alors : Io l'amo !» Elle ne pouvait évoquer

Weitere Kostenlose Bücher