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George Sand

George Sand

Titel: George Sand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elme Caro
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comme tout le monde, je ne les vois pas. Je ne sais pas non plus si j'ai des qualités et des vertus. Si on a fait le bien, on ne s'en loue pas soi-même, on trouve qu'on a été logique, voilà tout. Si on a fait le mal, c'est qu'on n'a pas su ce qu'on faisait. Mieux éclairé, on ne le ferait plus jamais.» Peut-être trouvera-t-on cet examen de conscience trop complaisant et trop commode. Je le donne pour ce qu'il est et pour ce qu'il vaut, comme une preuve assez naïve qu'elle avait une indulgence universelle dont il lui semblait juste de profiter pour elle-même, ajoutant plaisamment : «Vous voulez savoir plus qu'il n'y en a... L'individu nommé George Sand cueille des fleurs, classe ses herbes, coud des robes et des manteaux pour son petit monde, et des costumes de marionnettes, lit de la musique, mais surtout passe des heures avec ses petits-enfants... Ça n'a pas été toujours si bien que ça. Il a eu la bêtise d'être jeune, mais comme il n'a pas fait de mal, ni connu les mauvaises passions, ni vécu pour la vanité, il a le bonheur d'être paisible et de s'amuser de tout.»
À cette date où je la rencontrai à Nohant, elle arrivait chargée de plantes recueillies sur les bords de la Méditerranée et dans la Savoie. Elle s'effrayait du rangement qu'elle avait à faire dans ses herbes, et de fait elle se livra presque tout le jour à ce travail, en causant.
    Mais il y avait un bien autre rangement à faire dans la maison. Le cabinet de travail était affreux, et rien qu'à le voir, il donnait le spleen. On en arrangeait un autre, où George Sand comptait travailler avec plaisir. En attendant, son atelier de travail était sa chambre à coucher. Elle me montra sur une table très simple une pile de grandes feuilles de papier bleu, coupées d'avance dans le format in-quarto. «Quand vous partirez ce soir, me dit-elle, je me mettrai à l'ouvrage, et je ne me coucherai que quand j'aurai rempli douze de ces pages.» C'était la tâche quotidienne : le travail était ainsi réglé d'avance ; elle comptait sur l'exactitude de son inspiration, qui ne lui faisait presque jamais défaut.
Ce fut pour moi une occasion presque inespérée de faire connaissance intime avec son procédé de travail, dont les résultats m'avaient toujours étonné par leur abondance non moins que par leur exacte régularité. À cette époque de sa vie, elle faisait au moins son petit roman tous les ans, avec une pièce de théâtre. «Ne voyez en moi qu'un vieux troubadour retiré des affaires, qui chante de temps en temps sa romance à la lune, sans grand souci de bien ou de mal chanter, pourvu qu'il dise le motif qui lui trotte dans la tête, et qui, le reste du temps, flâne délicieusement.»
J'avais étudié avec soin son oeuvre ; deux caractères m'avaient frappé : l'étonnante facilité du talent, poussée jusqu'à la négligence, et l'absence trop visible de composition dans ses meilleurs romans. Elle s'aperçut clairement que même au point de vue purement littéraire, en dehors des questions de fond, pendant que je lui parlais de mes impressions, j'y mettais des réserves.
    Elle parut mécontente, non que je fisse des réserves, mais que je les gardasse pour moi ; elle me demanda une franchise entière. Je m'expliquai donc, comme je le devais, sur ces deux points avec sincérité. Elle m'en remercia et poussa la critique bien plus loin que je ne le faisais moi-même, ce qui me donna une idée très favorable de sa nature littéraire, avide de vérité et assez forte pour résister aux tentations subalternes de la flatterie. En réveillant mes souvenirs et les complétant par les nombreuses confidences qui remplissent ses lettres les plus intéressantes, je suis arrivé à me faire une idée assez exacte de sa méthode de travail et de ses idées sur les conditions et les exigences de son art, qu'elle portait à l'état d'instinct jusqu'au jour où, dans une discussion célèbre, il fallut en trouver l'expression claire et la formule définitive.
Il semble bien que c'était le plaisir d'écrire qui l'entraînait, presque sans préméditation, à jeter un peu confusément sur le papier ses rêves, ses tendresses, ses méditations et ses chimères, sous une forme concrète et vivante.
Pour se rendre compte de cette facilité presque incroyable d'écrire, il fallait se rappeler qu'il y avait en elle, avec le don naturel que rien ne remplace, ce fonds d'expérience et de connaissances acquises, qui multiplie les ressources

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