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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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pouvait-il avoir de tuer Orlov ?
    Le commissaire prit un air songeur.
    — Marie-Sophie pense que le colonel était sur le point de lui confier un secret. Et elle croit qu’il avait peur.
    — Peur de Troubetzkoï ?
    — Cela paraît vraisemblable.
    — Le grand-prince est consul général de Russie, dit Maria. Même si la reine l’identifie, il ne court pas grand risque.
    Tron secoua la tête.
    — Sur ce point, tu te trompes. Je pourrais rédiger un rapport destiné à Spaur, à Toggenburg, à la chancellerie et à l’ambassadeur à Vienne. Après cela, il serait fichu.
    Il soupira.
    — Seulement, je ne vais pas l’écrire.
    — Pourquoi cela ?
    — Parce que je vais lui proposer un marché, expliqua Tron. Nous suspendons les recherches et, en échange, il nous rend le Titien. Marie-Sophie a absolument besoin de le vendre.
    — Pourquoi lui faut-il autant d’argent ? demanda la princesse avec une légère irritation dans la voix.
    — Pour un certain Armand de Lawayss.
    — Je ne comprends rien.
    Son fiancé lui révéla alors le fin mot de l’histoire.
    — Marie-Sophie a eu une liaison avec un capitaine de cavalerie des zouaves pontificaux. Elle a fait sa connaissance en débarquant à Terracina. Une semaine plus tard, Pie IX l’a nommé en toute ingénuité cavalier d’honneur de la reine. Les promenades à cheval dans la campagne ont beaucoup contribué à les rapprocher. Plus tard, ils ont même osé se voir à Rome.
    — À l’hôtel ? voulut savoir la princesse.
    Son approche rationnelle ne laissait pas de le surprendre.
    — Non, au palais Farnèse, dit-il. Lawayss venait en barque, longeait la rive du Tibre et sautait par-dessus le mur. La femme de chambre de Marie-Sophie l’attendait dans le jardin et le conduisait dans une mansarde.
    Le visage de Maria demeura impassible. Elle n’avait pas coutume de porter des jugements moraux.
    — Si cette affaire éclate au grand jour, dit-elle simplement, le scandale est assuré.
    — En avril 1862, poursuivit Tron, la reine a découvert qu’elle était enceinte. Comme tout le monde savait que François II ne pouvait pas être le père, elle s’est réfugiée en Bavière sous prétexte d’une infection pulmonaire. La naissance eut lieu dans un couvent d’ursulines en novembre 1862. Mais un autre problème, que personne n’avait prévu, surgit à ce moment-là.
    Tron ne put résister à la tentation de marquer une pause théâtrale.
    — Marie-Sophie accoucha de jumeaux.
    — Non !
    Cette fois, la princesse faillit s’étouffer avec la fumée de sa cigarette.
    — Deux filles, précisa-t-il. Viola et Daisy. La première fut confiée à oncle Ludwig et tante Henriette, qui – afin d’écarter tout soupçon – partirent s’installer pour quelques années à Gênes où ils déclarèrent la naissance d’une petite fille. Daisy, la deuxième, fut prise en charge par son père qui l’emmena à Bruxelles. Par malheur, il est aujourd’hui mourant et sans le sou.
    — C’est pour cette raison qu’elle a besoin d’argent d’urgence ?
    Il hocha la tête.
    — Compte tenu des circonstances, elle ne peut en demander à personne.
    — Qu’as-tu donc l’intention de faire ?
    — Je vais rendre visite à Troubetzkoï et lui demander où il était hier soir.
    — Tu vas le prévenir que la reine n’a pas reconnu la victime sur les photographies ?
    — Oui, je vais jouer cartes sur table, répondit le commissaire. Et proposer une confrontation.
    Tron prit son haut-de-forme posé près du fauteuil et se leva avec peine. Même à l’intérieur du palais Balbi-Valier, l’air était brûlant, humide, lourd, presque électrique, comme avant un orage.
    — À quelle heure as-tu rendez-vous avec Leinsdorf ?
    La princesse jeta un coup d’œil à la pendule sur la cheminée.
    — Dans une heure. Nous nous retrouvons après ?
    Il acquiesça.
    — Je reviens ici dès que j’en aurai terminé avec Troubetzkoï.
    Alors, Maria lui adressa un sourire merveilleusement prometteur.
    — Réserve-moi ta soirée, s’il te plaît.

45
    Troubetzkoï, vêtu d’une confortable veste d’intérieur dont il n’avait pas fermé le col, leva les yeux d’une feuille de papier ministre étalée devant lui et posa le porte-plume sur son bureau. Une boucle s’était échappée de sa chevelure sombre et encadrait son front de manière byronienne. L’absence d’uniforme lui donnait ce jour-là un air bizarrement désinvolte, presque un peu… littéraire. Tron se demanda ce

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