Hamilcar, Le lion des sables
période. Vous,
Hannibal et Magon, je vous promets que vous me rejoindrez dès que vous serez en
âge de porter les armes. Quant à toi, Salammbô, j’espère que tu trouveras un
époux digne de toi et de ta beauté. Ce n’est toutefois pas pour cela que je
vous ai réunis ici en cet endroit cher à tous nos compatriotes. Vous le savez,
je n’ai qu’un seul but dans ma vie : contribuer à la gloire de Carthage et
la défendre contre ses ennemis. Le principal, pour ne pas dire, le seul d’entre
eux, c’est Rome. Elle veut notre perte et tentera de l’obtenir par tous les
moyens, y compris en faisant miroiter aux plus lâches de nos concitoyens le
mirage de la paix. Je vous en adjure, n’accordez jamais la moindre confiance
aux Romains. Afin que vous vous en souveniez jusqu’à votre dernier souffle,
j’ai décidé que tous ensemble nous nous lierions par un serment, celui de vouer
à Rome et aux Romains une haine indéfectible et de ne jamais connaître le repos
tant que ceux-ci n’auront pas été mis hors d’état de nuire. Maintenant, répétez
après moi : « Par Baal Hammon, je jure de haïr Rome et les Romains
jusqu’à mon dernier souffle et de tout faire pour que cette race et cette ville
maudites disparaissent de la face de la terre. »
D’une même
voix, les trois enfants d’Hamilcar répétèrent la phrase. Quand ils eurent
terminé, leur père leur sourit.
— L’essentiel
a été dit. Retournez maintenant à Mégara avec Epicide, le plus fidèle de mes
serviteurs, que dis-je, de mes amis. Je pars demain et je préfère vous faire
mes adieux ici afin d’éviter les larmes et les gémissements. Soyez sans
crainte, des messagers vous porteront de mes nouvelles très régulièrement.
Allez, partez, avant que je ne sois trop ému.
Magon,
Hannibal et Salammbô s’éloignèrent en compagnie de leur précepteur. Leur père
resta longtemps devant la stèle des Barca avant de demander à un prêtre de
réciter les prières d’usage. L’officiant, un homme jeune, vêtu d’une robe de
lin blanc et les pieds nus, s’acquitta de sa tâche. Lorsque le fils d’Adonibaal
voulut lui remettre une somme d’argent, il la refusa :
— Je
ne veux pas de tes zar, Hamilcar Barca. C’est un honneur pour moi que d’avoir
invoqué en ta faveur Baal Hammon.
— Que
veux-tu alors ?
— J’ai
une faveur à te demander.
— Laquelle ?
— Tu
te rends au pays des Ibères. Un vieux prêtre m’a parlé, jadis, d’un sanctuaire
édifié en l’honneur de Baal à Gadès et où officie un oracle. Les autres
desservants de notre sanctuaire, ici, m’ont affirmé que nos dieux m’ont
gratifié du don de deviner l’avenir. J’aimerais en avoir l’assurance et, pour
cela, je rêve de pouvoir me rendre à Gadès. Je t’en prie, emmène-moi avec tes
soldats.
— Tu
fais un bien curieux devin. Tu prétends pouvoir savoir ce qui se passera. Donc,
tu devrais être à même de dire si j’accéderai ou non à ta requête. À ton avis,
quelle sera ma réponse ?
— Hamilcar,
le pouvoir d’un oracle n’est pas ce que tu crois. Je puis ainsi te dire comment
tu mourras mais je ne pourrai jamais expliquer l’essentiel, à savoir les
raisons qui causeront ton trépas et que tu es seul à connaître. De même, j’ai
le sentiment que tu accéderas à ma requête mais j’ignorerai toujours pourquoi.
— Tu
me plais. Quel est ton nom ?
— Azarbaal.
— Tu
seras des nôtres pour cette expédition et je vais te dire pourquoi.
— Parce
que tu veux apprendre de ma bouche la manière dont tu passeras de vie à trépas.
— Je
n’ai ni envie ni besoin de le savoir.
— C’est
pourtant ce qu’un homme normal souhaiterait. Certains paieraient même cher
cette information afin de tenter de forcer la main à leur destin.
— Je
n’ai pas de destin mais une destinée et celle-ci s’accomplira sans que je
puisse rien y faire car elle obéit à une force et à des lois qui me dépassent.
Non, j’ai résolu de te prendre avec moi parce que, plus que les réponses, tu
aimes les questions. Ce que je te demanderai s’il m’arrive de te consulter, ce
n’est point de me dire ce qui se passera mais plutôt de m’aider à interroger et
mettre en question chacun de mes gestes. Venons-en à l’essentiel. Je suppose
que tu préfères t’esquiver de ce sanctuaire sans avoir à demander au Kohen
Hakohanim, au grand prêtre de Baal Hammon, l’autorisation, qu’il te refusera,
de partir pour
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