Hamilcar, Le lion des sables
colonies.
— J’espère
que ce n’est pas tout.
— Non.
L’essentiel de ta mission consistera à relancer l’activité des mines d’or et d’argent
dont tu nous feras parvenir la production. Sache-le, alors que tu seras à des
centaines de stades de notre ville, le sort de celle-ci sera entre tes mains.
C’est dire la confiance et les espérances que nous plaçons en toi.
— Autant
je crois à la sincérité de tes propos, autant je me demande si cette offre
n’est pas un moyen pour certains de m’éloigner de notre ville et d’affaiblir
ainsi le parti des Barca ?
— Je
comprends tes inquiétudes. Elles sont louables et légitimes. Cela dit, les
véritables ennemis des Barca ne sont pas forcément les membres du parti
adverse, mais Hamilcar Barca lui-même !
— Qu’entends-tu
par là ?
— Crois-tu
qu’il soit facile pour tes partisans de prendre ta défense alors que tu
t’abstiens de paraître au Sénat et de participer à nos débats ? Tu veux
être suivi mais tu repousses tes fidèles et tu les décourages.
D’une
certaine manière, ton départ de Carthage nous facilitera la tâche puisque tu
deviendras indispensable à notre cité sans être présent. De la sorte, tu
rendras un immense service à tes amis et ton influence en sera accrue d’autant.
— Serai-je
autorisé à choisir moi-même les officiers qui m’accompagneront ?
— Tu
auras toute latitude pour le faire.
— Transmets
à tes collègues que j’accepte leur proposition par amour pour ma ville mais que
je n’ignore rien de leurs calculs. Qu’ils ne croient pas que je puisse être
dupe de leurs médiocres intrigues. Je te ferai savoir quand je jugerai bon de
partir.
Sitôt que
Bomilcar eut quitté Mégara, Hamilcar convoqua son intendant :
— Himilk,
te souviens-tu de la promesse que je t’ai faite il y a longtemps de cela ?
— Laquelle,
seigneur ?
— Celle
de prendre comme aide de camp ton fils Magon.
— Comptes-tu
partir ?
— Oui
et j’ai besoin de lui.
— Après
les épreuves qu’il a subies, un long séjour loin de Carthage apaisera peut-être
sa douleur et son ressentiment. Je vais le prévenir et il viendra prendre ses
ordres auprès de toi. Sache que je te suis profondément reconnaissant d’avoir
pensé à lui.
Pendant
plusieurs semaines, Hamilcar travailla d’arrache-pied pour organiser son
expédition sur laquelle les bruits les plus divers coururent dans la cité.
Cette agitation provoqua tout naturellement l’entrée en scène de personnages
louches, d’aventuriers peu scrupuleux ou de négociants véreux que le fils
d’Adonibaal écarta impitoyablement. Après mûre réflexion, il décida de gagner
Gadès non par la voie maritime mais par la terre. Ses troupes traverseraient à
pied l’immense étendue séparant Carthage des colonnes de Melqart où une flotte
viendrait les chercher pour traverser le détroit. De la sorte, il pourrait
montrer aux tribus numides que sa ville n’avait rien perdu de sa puissance en
dépit de ses revers et qu’elle entendait se tailler un nouvel empire dans les
régions habitées par les Ibères. Au passage, il comptait recruter dans les
tribus quelques centaines de cavaliers numides dont il appréciait la hardiesse
et l’habileté.
Quand tout
fut prêt, Hamilcar convoqua Epicide :
— Demain,
tu mèneras mes enfants au sanctuaire de Baal Hammon et je vous y rejoindrai en
fin de matinée.
— Nous
serons là, moi, Hannibal et Magon.
— Tu
oublies Salammbô.
— Souhaites-tu
sa présence ?
— Je
l’ai toujours traitée sur un pied d’égalité avec ses frères et je ne vois pas
la raison de changer d’attitude.
— Fort
bien. Elle sera avec nous.
Le
lendemain, tous se retrouvèrent au sanctuaire. Reconnaissant Hamilcar, les
prêtres s’écartèrent respectueusement et laissèrent le groupe se recueillir
longuement devant la stèle votive jadis édifiée par les Barca. Contemplant les
siens avec un mélange de tendresse et d’autoritarisme, le fils d’Adonibaal les
fit s’approcher tout près de lui :
— Je
n’ai pas toujours été un bon père pour vous car j’ai passé plus de temps sur
les champs de bataille que chez moi à Mégara. Vous devez pourtant savoir que je
vous aime profondément et que ce sentiment n’a fait que croître depuis la mort
de votre mère. Aujourd’hui, pour sauver notre ville de la ruine et de la
désolation, je dois à nouveau vous quitter pour une très longue
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