Hamilcar, Le lion des sables
comme tu l’entends, je te promets de ne pas t’en tenir rigueur.
— Je
t’en remercie. Adonibaal. J’ai accueilli ton fils comme tu me l’as ordonné et
je l’ai fait travailler dur sur le domaine afin qu’il apprenne à le gérer. Je
lui ai confié bien des responsabilités et je le regrette. Car, si je m’étais
occupé moi-même de la moisson et de la vendange, les choses se seraient sans
doute mieux passées et je ne rougirais pas des comptes que je dois te
présenter. Mais ton fils, par ses initiatives irréfléchies, a commis bien des
erreurs. Une partie de la récolte a été détruite par la pluie car il a trop
tardé à envoyer les esclaves moissonner les champs.
Si je puis
te parler franchement, ton fils m’est un fardeau !
— Un
fardeau ?
— Oui.
Crois-moi, maître, il n’est pas capable de gérer un domaine. Fais-en ce que tu
veux mais ne lui confie pas ta fortune, il la dilapidera.
— Himilk,
j’ai bien envie de ne pas tenir ma promesse et de te faire fouetter jusqu’au
sang. Tu mens et tu mens mal.
— Maître,
ce que je dis est la pure vérité.
— Tu
sais bien que non. Me crois-tu assez stupide pour m’être reposé sur ton seul
jugement ? J’avais chargé Hannon, l’un de tes contremaîtres, de me tenir
informé de tout ce qui se passait sur le domaine et de la manière dont se
comportait mon fils. Je sais que, avec l’aide d’Epicide, tu as fait de lui un
digne fils de notre famille, capable de passer des journées entières dans les
champs pour surveiller la bonne exécution des travaux.
— Père,
dit Hamilcar, n’en veux pas à Himilk. C’est moi qui l’ai obligé à mentir parce
que le séjour à Aspis n’a pas suffi à m’ôter mon rêve, celui de devenir soldat.
— Je
le sais et c’est précisément pour cela que je suis venu te rendre visite.
— Pour
m’interdire tout espoir ?
— Pour
te dire que notre cité a besoin de ton glaive. Tu voulais servir dans les rangs
de l’armée, ton vœu va être exaucé et plus tôt peut-être que tu ne le pensais.
Demain, nous repartirons pour Carthage et je t’expliquerai en route les dangers
mortels qui planent sur notre ville.
— Père,
tu m’apportes le plus beau des cadeaux. J’ose à peine y croire. Pardonne ma
franchise, mais que sont devenus tes rêves de me voir être membre du Sénat et
du Conseil des Cent Quatre ? À tes yeux, c’était le seul moyen pour un
Barca de servir ses concitoyens.
— Hamilcar,
ne me fais pas regretter ma décision en jouant de nouveau à l’écervelé. Tout
dépend des circonstances et ce que j’ai à t’apprendre te permettra de le
comprendre. Aujourd’hui, c’est sur les champs de bataille que le nom de Barca
doit s’illustrer. Nous en reparlerons. Pour l’heure, j’ai à faire.
Chapitre 2
Depuis sa
rencontre avec son père, Hamilcar ne tenait plus en place. Il était partagé
entre la joie – son rêve le plus cher allait enfin se
réaliser – et une inquiétude tenace : que cachait au juste ce
revirement subit du sénateur qui n’était pas réputé pour être un personnage
capricieux ? Épicide, qu’il avait consulté, n’avait pu lui fournir d’explication.
Le précepteur avait pourtant longuement interrogé les esclaves de la suite
d’Adonibaal mais ceux-ci l’avaient regardé d’un air stupide. Ils ne savaient
rien, ne voulaient rien savoir et n’aspiraient qu’à une chose : prendre un
peu de repos avant de repartir pour Carthage.
Bien sûr,
le plus simple pour Hamilcar aurait été de solliciter une entrevue avec son
père mais ce dernier avait disparu en compagnie de Himilk. Un contremaître
affirmait qu’ils étaient partis pour Aspis afin d’y rencontrer les principaux
magistrats de la cité. C’est du moins ce qu’il supposait car Himilk avait
revêtu une riche tunique brodée qu’il conservait pour les occasions
exceptionnelles. Si l’homme disait vrai, Adonibaal ne serait pas de retour
avant la nuit, voire le petit matin. Il ne faisait aucun doute que ses hôtes,
honorés par la visite d’un membre de l’illustre Conseil des Cent Quatre,
offriraient en son honneur un festin afin de s’attirer ses faveurs et de lui
faire part de leurs doléances, notamment en ce qui concernait les lourds impôts
levés chaque année par Carthage.
Durant
toute une partie de la nuit, Hamilcar chercha en vain le sommeil. Il s’agitait
sur son lit, se couchant tantôt sur le ventre, tantôt sur le dos. À
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