Hannibal, Sous les remparts de Rome
légionnaires
pénétrèrent dans le palais pour s’emparer d’elle, elle versa dans une coupe de
vin le poison fourni par Masinissa et dit à son serviteur :
— Remercie
ton maître de sa générosité à mon égard. J’accepte avec gratitude le cadeau de
noces de celui qui aurait pu être mon époux car il m’évitera de connaître le
déshonneur. La seule chose que je regrette est de ne pouvoir vivre assez
longtemps pour voir le triomphe, dont je ne doute pas, de ma cité. Puisse mon
sacrifice hâter celui-ci !
Quand elle
vit un centurion pénétrer dans la pièce, elle but d’un trait la coupe et tomba
foudroyée aux pieds de ses servantes.
Lorsque
Scipion apprit cette fin tragique, il fut saisi de frayeur à l’idée que
Masinissa, en proie au désespoir, ne cherche lui aussi à mettre fin à ses
jours. Aussi décida-t-il de l’honorer publiquement. Il fit rassembler
l’ensemble de ses troupes sur le champ de manœuvre des Castra Cornélia et
prononça un éloge appuyé du jeune chef numide :
— Soldats,
vous avez tous pu admirer le courage dont Masinissa a fait preuve tout au long
de cette campagne. Sans son aide, nous n’aurions pu infliger de sanglantes
défaites à Syphax et à Hasdrubal. Le premier est déjà notre prisonnier et le
second ne tardera pas à croupir dans nos prisons. Pour récompenser le
dévouement de notre allié, j’ai décidé, au nom du Sénat romain, de lui marquer
notre amitié par un geste exceptionnel. Il n’y a pas pour notre peuple de plus
belle récompense que les triomphes, et les triomphateurs n’ont jamais reçu de
plus belles distinctions que celle dont les Pères conscrits ont jugé digne
notre ami. Nous lui conférons le titre de roi des Numides et nous lui remettons
les insignes de sa fonction : une couronne, une coupe en or, une chaise
curule et un bâton en ivoire, une toge brodée et une tunique ornée de palmes.
Longue vie à Masinissa, souverain des Massyles et des Masaesyles, allié et
protégé du peuple romain.
Une
formidable ovation salua ces paroles. Masinissa, ému jusqu’aux larmes, put à
peine balbutier quelques mots de remerciements et confia plus tard à Publius
Cornélius Scipion que ce dernier pouvait compter sur son amitié indéfectible.
À
Carthage, la défaite des Grandes Plaines avait suscité la plus vive des
inquiétudes. Le Conseil des Cent Quatre se réunit en séance extraordinaire pour
discuter de la stratégie à adopter. Une violente altercation opposa Itherbaal à
Hannon le grand. Le premier, chef du parti barcide, critiqua violemment les
erreurs d’Hasdrubal :
— En
deux batailles, le fils de Giscon a perdu près de cinquante mille hommes.
Confions-lui notre flotte et elle sera sous peu réduite à néant. C’est à croire
qu’il œuvre secrètement en faveur de Rome et qu’il n’a qu’un seul désir :
conclure la paix avec le plus farouche de nos ennemis. La mort de sa fille
Sophonisbé l’a plongé dans le désespoir et il n’est plus en mesure d’assumer
pour le moment le commandement de nos troupes. Bientôt, Scipion sera sous nos
murs. Certes, nous disposons de provisions suffisantes pour soutenir un long
siège à l’abri de nos puissantes murailles mais, tôt ou tard, il nous faudra
briser cet encerclement.
— Que
suggères-tu ? dit Hannon le grand. Tu sais critiquer mais tu n’apportes
pas de solutions constructives.
— Tu
as tort. Hannibal et Maharbal sont en Italie avec des milliers de fantassins et
de cavaliers. Il nous suffit de les rappeler. Ce sont d’excellents généraux et
ils sauront repousser l’ennemi.
— Comme
tu l’as fait remarquer, ils sont loin de nos rivages. Pourrons-nous tenir
jusqu’à leur retour ?
— Tu
sous-estimes grandement l’état de nos forces. Notre ville est puissamment
fortifiée et les Romains n’ont pas assez de navires pour bloquer l’entrée du
port. Que deux trirèmes partent dès demain pour le Bruttium. Nous, en
attendant, nous tenterons de gagner du temps en endormant la méfiance de
Scipion.
— De
quelle manière ?
— En
lui envoyant une ambassade pour sonder ses intentions.
— Toi,
Itherbaal, le chef du parti barcide, tu suggères que nous engagions le dialogue
avec les Romains ! J’avoue ne pas comprendre.
— Je
ne me fais aucune illusion sur l’issue de ces négociations et, même si elles
aboutissaient, je me battrais de toutes mes forces pour que nous poursuivions la
lutte contre la cité de Romulus. Mais je
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