Hannibal, Sous les remparts de Rome
Rome est éprise de
justice et de légalité. Elle sait déclarer la guerre mais aussi la terminer
lorsque la fortune des armes daigne lui sourire comme c’est le cas aujourd’hui.
Voici donc mes exigences : vous devrez rappeler Hannibal et Magon, rendre
les prisonniers, les déserteurs et les esclaves fugitifs qui se trouvent dans
vos murs. Vous devrez renoncer à toutes vos prétentions sur l’Ibérie et
abandonner toutes les îles que vous occupez illégalement entre l’Afrique et ma
patrie. Vous devrez livrer toute votre flotte de guerre, à l’exception de vingt
navires, et vous engager à envoyer à Rome cinq cent mille boisseaux de blé et
trois cent mille boisseaux d’orge. Enfin, vous devrez payer une indemnité de
guerre de cinq mille talents euboïques [71] . Enfin, vous
devrez envoyer à Rome une ambassade car seul le Sénat peut officiellement
ratifier ces propositions.
— Tu
comprendras que nous devons, nous aussi, prendre l’avis du Conseil des Cent
Quatre.
— J’attends
votre réponse sous trois jours. Passé ce délai, mes troupes se lanceront à
l’assaut de vos murailles. Je vous engage à vous promener dans le camp
librement et à examiner les machines de siège dont je dispose. Vous serez
étonnés par leur nombre et par leur puissance. Croyez-moi, il me sera facile
d’ouvrir de multiples brèches dans votre enceinte et mes légionnaires sèmeront
alors la terreur dans les rues de votre ville, égorgeant vos femmes et vos
parents. À vous de décider sans tarder du sort de votre cité.
— Si
nous acceptons, cela signifie-t-il qu’en attendant le retour de nos délégués,
une trêve sera observée ?
— Oui,
je t’en donne l’assurance.
Les
ambassadeurs retournèrent à Carthage et rendirent compte au Conseil des propos
que leur avait tenus Publius Cornélius Scipion. Itherbaal fut le premier à
intervenir :
— Nous
devons féliciter Hannon le grand pour la manière dont il s’est acquitté de sa
mission. Vous le savez, des messagers ont été envoyés à Magon et Hannibal pour
leur ordonner de faire voile sans délai vers nos côtes. Ils seront là dans
quelques semaines. Que nos ambassadeurs se préparent à partir pour Rome !
Pour montrer notre bonne volonté, nous les ferons accompagner par certains de
nos captifs. Nous leur livrerons également quelques dizaines de leurs
déserteurs. La vie de ces traîtres n’a aucune importance à nos yeux.
— Pour
une fois, dit Hasdrubal le chevreau, je suis d’accord avec mon vieil ennemi
Itherbaal. Acceptons la trêve proposée par le chef romain et puisse Hannibal
faire preuve de discipline en obéissant à nos ordres et en se précipitant au
secours de sa patrie.
Dès le
lendemain, Hannon le grand se rendit à nouveau auprès du proconsul pour
l’informer que le Conseil des Cent Quatre acceptait d’ouvrir des négociations
sur la base de ses propositions. Aussitôt, les hostilités cessèrent. Toutefois,
Scipion se refusa à laisser les paysans qui s’étaient réfugiés à Carthage
regagner leurs villages et leurs fermes comme le lui demanda son interlocuteur.
Il savait que la ville ne serait pas en mesure de nourrir longtemps tant de
bouches et que cela inciterait ses dirigeants à se plier à ses exigences.
C’était d’ailleurs l’époque des moissons et des vendanges et les légionnaires,
réduits à l’inaction, se transformèrent en paysans pour récolter le blé et les
raisins, aussitôt expédiés sur les rives du Tibre.
Les
ambassadeurs carthaginois partirent à la fin de la belle saison, accompagnés
par Quintus Fulvius Gillo, à bord d’une quinquérème. À leur arrivée à Rome, ils
ne furent pas autorisés à pénétrer dans la ville. Son accès était interdit aux
représentants des cités en guerre contre elle et ils furent logés dans une
maison acquise par le Sénat sur le champ de Mars, à proximité du temple de
Bellone. C’est dans ce sanctuaire qu’étaient reçus les généraux victorieux
avant que l’on décide s’ils recevraient ou non les honneurs du triomphe. C’est
là que se déroulèrent les discussions entre les Pères conscrits et les
émissaires de la cité d’Elissa conduits par Hasdrubal le chevreau. Ce dernier,
la voix brisée par l’émotion, s’adressa aux Romains :
— Je
me réjouis de rencontrer des hommes aussi sages et aussi avisés que vous. Dans
le malheur qui est le nôtre, c’est là une consolation appréciable. Je ne viens
pas en suppliant
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