Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
guenilles. Les esclaves « de maison » presque tous nés dans l’île et ayant reçu une certaine éducation étalaient des cotonnades claires, fleuries ou rayées, blanches, bleues, rouges et jaunes principalement, de hauts bonnets de mousseline, de gaze ou de foulard pour les femmes. Les affranchis, noirs ou mulâtres, ne se distinguaient des Blancs que par la couleur de la peau et un goût plus prononcé pour les teintes vives. Certains affichaient même un luxe extrême dans le choix des tissus de leurs vêtements et dans leurs bijoux. Auprès de ces hommes et de ces femmes dont le mélange des sangs avait souvent affiné les traits jusqu’à produire d’extraordinaires beautés, les nègres fraîchement débarqués, les « bozales », offraient un contraste frappant, celui de la sauvagerie et de la misère côtoyant l’aisance et la civilisation.
    L’exotique beauté des femmes rencontrées attira souvent le regard de Tournemine. Il croisa des Noires qui ressemblaient à des idoles dédaigneuses sculptées dans l’ébène la plus lisse, des mulâtresses dorées comme des fruits mûrs qui promenaient avec elle une sensualité à fleur de peau. Il salua des femmes blanches qu’à leur élégance, peut-être un peu en retard sur les modes de Versailles mais compensée par le gracieux laisser-aller antillais, il reconnut pour des dames de la société. Coiffées de grands chapeaux penchés sur de hauts bonnets de dentelle où s’emprisonnaient leurs chevelures ou encore de gazes scintillantes, vêtues de blanc éclatant ou de couleurs tendres empruntées à toutes les nuances de l’arc-en-ciel, elles passaient nonchalantes au trot de calèches découvertes ou balancées au pas rythmé de quatre solides porteurs noirs dans de légers palanquins d’acajou garnis de rubans de soie claire dont les grands rideaux de mousseline couleur d’aurore, d’azur ou de neige, se gonflaient sous le vent léger comme les voiles de minuscules navires.
    Séduit un peu plus à chaque pas, Gilles erra dans des ruelles étroites au sol en terre battue (seules quelques rues principales étaient pavées) bordées de charmantes maisons à un seul étage, mais dont les balcons couverts étaient autant de dentelles de fer peintes en blanc, en bleu ou en ocre. Les murs étaient passés au lait de chaux ou bien peints en jaune clair avec le tour des fenêtres blanc. De hautes palmes et des foisonnements de plantes grimpantes débordaient de tous les murs de jardin et de beaucoup de balcons.
    Il rêva sur de charmantes places ombragées où chantaient de petites fontaines, s’attarda dans l’élégant cours Villeverd qui était l’artère la plus huppée de cette ville coloniale que sa grâce et son raffinement, sa vie joyeuse aussi, avaient fait surnommer « le petit Paris ». Un Paris infiniment plus gai, moins boueux et beaucoup plus ensoleillé que son modèle européen.
    Dans la rue de la Joaillerie, il pénétra dans une boutique fraîche, fleurant la cannelle, acheta pour Judith un étonnant collier, sorte de haut carcan d’or ciselé comme une dentelle et garni d’une diaprure de perles fines, une belle croix d’or pour Anna et, pour Madalen, un mignon bracelet de petites perles alternant avec de minces folioles d’or. Quand il quitta la boutique, salué très bas par le bijoutier, celui-ci n’imagina pas un instant que seul le bracelet avait quelque importance aux yeux de son fastueux client et que croix et carcan n’avaient été que des alibis.
    Ses présents bien rangés au fond de ses vastes poches, Gilles remontait les trois marches qui, de la boutique en contrebas, rejoignaient la chaussée quand une négrillonne qui pouvait avoir une dizaine d’années se jeta littéralement dans ses jambes en frétillant comme un petit chien, manquant de les jeter par terre tous les deux.
    — Où cours-tu si vite ? demanda-t-il en la remettant d’aplomb sur ses pieds nus qui dépassaient d’un vaste cotillon de soie jaune retroussé sur un jupon brodé.
    La gamine leva vers lui une petite figure ronde comme une sombre lune fendue par un large sourire neigeux.
    — Toi vini’ acheter zolies choses, missié ? Toi ’iche ! Toi géné’eux ?
    — Tu es bien curieuse ? Qu’est-ce que ça peut te faire ?
    — Oh, à moi ’ien, mais là-bas, zolie ma’ame veut voi toi…
    Là-bas, c’était, posé à l’ombre d’un gigantesque flamboyant, un grand palanquin dont les rideaux de soie jaune, soigneusement

Weitere Kostenlose Bücher