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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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lié au comte de Vergennes ?
    Tournemine tressaillit et vit qu’autour de la table tous le regardaient. La dramatique nouvelle l’avait, en effet, pétrifié, figé comme une statue dans le geste de porter à ses lèvres sa tasse de thé. Il la reposa d’une main qui tremblait légèrement et adressa à son hôtesse un sourire d’excuse machinal.
    — J’étais lié à lui, en effet, général… mais seulement par le respect et l’admiration que je lui portais. Le royaume de France vient de perdre son plus grand serviteur. Peut-être ne s’en rend-il pas vraiment compte…
    Washington prit des noix dans un compotier et commença à les éplucher. Il adorait les noix et en mangeait presque à tous ses repas mais, en l’occurrence, le geste lui permettait de garder les yeux baissés sur ses doigts occupés.
    — On m’a rapporté qu’en apprenant la nouvelle le roi a pleuré… On m’a dit aussi qu’au jour des funérailles, une foule de pauvres gens qui s’était amassée au long des avenues de Versailles attendait le char funèbre, s’est agenouillée sur son passage puis l’a suivi, sans un mot mais en versant des larmes jusqu’à la sépulture. Je crois que la France a senti l’importance de ce deuil…
    — Je n’en espérais pas autant, de la part du peuple tout au moins car, en ce qui concerne le roi, je sais depuis longtemps quel grand cœur s’abrite sous son cordon bleu et quelle affection il porte à ceux qui le servent fidèlement. Sait-on qui remplacera M. de Vergennes aux Affaires extérieures ?
    Washington leva un sourcil.
    — Sa Majesté la reine prônait M. de Saint Priest mais le roi a préféré M. de Montmorin. Le connaissez-vous ?
    — En aucune façon…
    C’était bien de Marie-Antoinette cette idée de proposer, pour remplacer Vergennes, un homme qui lui avait toujours été opposé, mais c’était un bon point pour Louis XVI d’avoir su résister et défendre par la même occasion l’œuvre de son ministre et ami, contre les volontés de sa Circé. Quant à Montmorin, tout dernièrement encore gouverneur de Bretagne, Tournemine savait seulement de lui qu’il avait été ambassadeur en Espagne au temps où lui-même exerçait ses talents à Aranjuez auprès de la future reine d’Espagne 3 mais ignorait tout de la ligne politique qu’il allait instaurer dans son nouveau poste. Et une inquiétude lui venait…
    En effet, la lettre de Vergennes dont il sentait crisser le papier dans la poche intérieure de son habit faisait état, il le savait, des énormes dettes de guerre contractées par les États insurgés envers la France, dettes que, depuis la signature du traité de Paris, on ne semblait guère, outre-Atlantique, songer à rembourser. Or, ces millions engloutis dans la liberté d’un peuple grevaient lourdement non seulement le budget royal mais aussi celui de généreux particuliers tel celui de l’armateur Leray de Chaumont, grand maître des Eaux et Forêts de France et grand ami de Franklin cependant, ou ceux des souscripteurs de la Société Rodrigue Hortalez. Les Américains allaient-ils prendre prétexte de la mort de Vergennes pour éluder encore leurs paiements ?
    Le petit déjeuner s’achevait. Sur un signe imperceptible de son époux, Martha Washington se leva et alla rejoindre ses servantes en cuisine tandis que son époux entraînait Gilles vers son cabinet de travail, laissant Tim faire de son temps ce qui lui conviendrait. Le coureur des bois n’hésita pas longtemps sur l’emploi de ce temps. Allant jusqu’à un râtelier d’armes disposé dans une petite pièce près de l’office, il y choisit un fusil, fourra quelques munitions dans ses vastes poches et, sifflant les chiens, prit, en habitué des lieux, la direction de la forêt.
    Pendant ce temps, Gilles remettait à Washington, sur sa demande, la lettre du défunt ministre des Affaires étrangères français. Le général s’approchant d’une fenêtre la lut très soigneusement, réfléchit un instant, la relut puis la mettant dans une de ses poches revint à son hôte.
    — Après le déjeuner du matin, dit-il aimablement, j’ai coutume de faire le tour de mes fermes. Me ferez-vous l’honneur de votre compagnie, chevalier ? Nous chevaucherons jusqu’au dîner mais vous ne risquerez pas de gâter vos vêtements car le temps me paraît superbe.
    — Mes vêtements comme moi-même sommes à votre service, général, fit Gilles qui se demandait comment il allait

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