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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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une petite maison, une sorte de carbet 1 de bois et de palmes dans une petite anse déserte près de Port-Margot. Elle s’y rendait presque chaque jour sans jamais permettre qu’on l’y suivît.
    — Passez-moi cette fantaisie, Gilles, avait-elle dit à son mari. Je suis une fille de la mer, vous le savez, et là-bas, j’ai l’impression de retrouver mon enfance sauvage, lorsque je courais les landes et me baignais dans le Blavet…
    En évoquant le souvenir de leur première rencontre, elle avait touché une corde sensible et Gilles avait volontiers consenti à cette fantaisie, mais l’anse étant éloignée de l’habitation de plus d’une lieue, il avait chargé Moïse de surveiller discrètement les visites qu’y faisait sa femme. Le géant noir vouait en effet à Judith un dévouement de chien fidèle et Gilles savait qu’en cas de danger il était de taille à la défendre contre une douzaine d’hommes.
    — Eh bien, dit-il, je vais repartir moi aussi. Vous rentrerez avec la voiture et Zébulon, comme à l’aller…
    Il parlait d’une voix impersonnelle, comme dans un rêve et sans quitter des yeux Fanchon qui rougissait lentement. Le départ imprévu de Judith le laissait frustré. Il lui fallait dépenser cette ardeur qui bouillonnait toujours en lui et il se découvrait une brutale envie de cette fille. Une envie qui lui faisait oublier qu’en renouant, même momentanément, des liens qu’il avait si fermement rompus, il commettait une imprudence.
    Quelque chose qui ressemblait à un espoir brillait à présent dans les yeux bruns de la jeune femme tandis que lentement il s’approchait d’elle. La joie le remplaça quand posant ses deux mains sur les épaules rondes, il fit glisser le décolleté de la robe tout en attirant Fanchon à lui.
    Un instant plus tard tous deux roulaient, emmêlés, sur le lit qui gardait encore l’empreinte du corps de Judith. Gilles avait à dépenser le regain d’ardeur né du danger écarté et Fanchon la passion de longs mois de famine envieuse. Il n’était pas loin de midi quand enfin ils tirèrent de nouveau le verrou de la porte…
    — Tout compte fait, dit Gilles en quittant Fanchon, rentrez sans moi et dites à madame que je ne reviendrai que demain. Je passerai la nuit chez M. de La Vallée…
    — Pourquoi pas ici ? hasarda la jeune femme qui s’efforçait de cacher sa triomphante exultation.
    Mais Gilles, dégrisé, n’entendait pas lui laisser espérer une quelconque reprise d’influence.
    — Je ne crois pas avoir de comptes à vous rendre, ma chère, dit-il doucement.
    Puis, tirant sa bourse, il la lui lança.
    — … Tenez ! Allez vous acheter quelques fanfreluches et puis rentrez. Et merci pour cet agréable moment. À demain.
    Elle prit la bourse avec une sorte de rage et la fourra dans la poche de son tablier. Toute joie s’était éteinte dans son regard et Gilles qui sortait ne vit pas qu’une haine brûlante s’y allumait…

    Parti avant l’aube Gilles atteignit « Haute-Savane » quand le soleil était déjà assez haut. Rentrer chez lui était toujours une joie, sans cesse renouvelée. Il aimait parcourir, au galop de Merlin, la longue et majestueuse allée de chênes, importés de France à grands frais plus de cent années plus tôt. Il aimait découvrir la longue maison rose surtout lorsque, comme ce matin, elle souriait au soleil de toutes ses fenêtres largement ouvertes en montrant le gentil bataillon des petites servantes en train de procéder à un vigoureux ménage sous la direction impérieuse de Charlot, le majordome.
    « Haute-Savane » avait perdu sa mine distante et triste de Belle au Bois Dormant cachée sous les ronces. Dans le grand bassin soigneusement récuré, la fontaine de bronze, briquée à grand renfort d’huile de coude, brillait presque autant que le jet scintillant qu’elle faisait exploser dans le soleil. Les jardiniers, dont Pongo, repris par sa passion des plantes contractée à Versailles, s’était institué le chef, faisaient merveille, alternant dans le parc redessiné les bouquets fulgurants de plantes tropicales et les douces pelouses sous les grands arbres où il faisait si bon boire le punch ou le café aux heures chaudes et, le soir, fumer un cigare en respirant la fraîcheur venue de la mer.
    Toujours installé dans l’habitation même auprès de la chambre de Gilles, Pongo n’y paraissait plus guère que la nuit. Une partie du jour, à présent, il s’occupait des

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