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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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convoiter… À présent, tout en se mêlant machinalement à la conversation détendue de ses amis, il pensait qu’avec un peu de chance, il la trouverait encore endormie, qu’il pourrait la réveiller et partager avec elle cette ardeur de vivre qu’il sentait bouillonner en lui… Après cette nuit, il en venait à penser que le corps de Judith était sans doute le meilleur antidote contre son impossible amour pour Madalen…
    Il eut hâte, tout à coup, de retrouver ce coin de paradis. Le déjeuner copieux et la chaleur du brûlot faisaient couler en lui une ardeur nouvelle et, prétextant un rendez-vous, il abrégea le repos paresseux qui suivait toujours, à Saint-Domingue, les repas du jour, dans la fumée odorante des cigares. Laissant les deux beaux-frères lézarder à leur aise sous l’ombre fraîche de la vigne face à l’activité du port et sautant en voltige sur Merlin, il reprit le chemin du cours Villeverd.
    Un somptueux havane calé dans le coin de sa bouche, La Vallée le regarda partir avec une commisération heureuse.
    — Ces nouveaux débarqués se croient toujours obligés à une activité fébrile, soupira-t-il. Je me demande combien de temps celui-là mettra avant de comprendre qu’ici il faut avant tout jouir de la vie et ne jamais se hâter… en rien. Si ce n’est, toutefois, pour commander à boire. Encore un brûlot ?
    Henri de Sélune, toute raideur disparue et visiblement en pleine béatitude, approuva d’un battement de paupières et s’installa encore plus commodément pour regarder une file d’esclaves, tout juste sortis des cases de remise en état après la traversée et qui, brillants de bonne santé apparente, s’en allaient placidement vers le bâtiment de la criée où ils allaient être vendus…
    En arrivant chez lui, Gilles ne trouva plus que Zébulon qui, aidé de Justin, remettait les malles dans la voiture. Dans son parler zézayant, le jeune Noir expliqua que la maîtresse était déjà repartie, à cheval, pour rentrer à la plantation après l’avoir envoyé, lui, Zébulon, s’assurer discrètement de l’issue de la rencontre.
    — Elle n’a rien dit ?
    — Non, ’ien !… Ah ! Si… Elle di’e : C’est bien…
    Déçu, mécontent, Gilles haussa les épaules puis, à tout hasard, monta chez sa femme en pensant que peut-être elle aurait laissé un mot pour lui. Mais à l’exception de Fanchon, la chambre était vide. Par les fenêtres grandes ouvertes, le soleil du matin l’éclairait en plein mais seul le chant des oiseaux s’y faisait entendre. Debout devant le lit dévasté la camériste était rigoureusement immobile. Elle n’avait pas entendu venir son maître qui se déplaçait toujours avec la grande légèreté héritée des Indiens et elle restait là, perdue dans une contemplation qui devait être amère car des larmes roulaient sur ses joues…
    — Eh bien, Fanchon ? Que faites-vous là ?
    Elle tressaillit, tournant vers lui un visage luisant de larmes où le regard se chargeait de crainte.
    — Moi ?… Mais rien… Je…
    — Vous pleurez. Êtes-vous souffrante ?…
    Elle saisit la balle au bond et passa sur son front une main tremblante.
    — Je… oui. Que monsieur m’excuse, j’ai un peu de migraine ce matin.
    Elle mentait et il le savait. Jamais elle n’avait, à ce point, respiré la santé. Le séjour dans l’île lui convenait. Son teint s’était doré légèrement et elle avait perdu la maigreur de chat affamé qu’elle avait lorsqu’on l’avait trouvée dans l’entrepont du Gerfaut. Dans le décolleté carré de sa robe d’indienne fleurie, sa gorge était appétissante comme une corbeille de brugnons mûrs à point et Gilles se souvint, non sans plaisir, de certaines nuits en mer…
    Il entra dans la chambre et, d’un geste presque machinal, ferma la porte.
    — Madame est partie ?…
    — Oui… elle a envoyé Zébulon faire une course et puis quand il est revenu, elle a ordonné qu’on lui selle Viviane et elle m’a dit de la rejoindre à la maison avec les bagages. Elle a dit aussi qu’elle avait besoin de galoper ce matin. Comme d’autres matins d’ailleurs. C’est souvent que madame monte ces temps-ci… Elle a dû avoir envie d’aller à sa cabane….
    Depuis qu’elle était installée à « Haute-Savane », Judith, en effet, s’était prise d’une véritable passion pour les promenades à cheval. Pour la mer aussi et elle avait obtenu de Gilles qu’il lui fît construire

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