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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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difficilement dans la cité.
    Il faisait presque nuit quand la voiture atteignit l’entrée de la propriété et s’engagea dans la longue allée bordée d’aulnes et de tilleuls qui remontait la colline et se divisait ensuite pour former un large cercle devant la maison. Un large cercle qui était, pour l’heure présente, plein d’attelages variés.
    Sourcils froncés, Gilles considéra la belle demeure de brique rose où Washington avait vécu quelques jours durant la bataille des Hauts de Harlem, à laquelle la colonnade et le fronton blancs donnaient tant de majesté. Toutes les fenêtres, ouvertes à cause de la douceur de la température, laissaient échapper des flots de lumière et des bruits de conversation sur fond de musique douce.
    — On dirait qu’il y a une fête, monsieur. Qu’est-ce que je fais ? demanda le cocher qui avait jaugé à leur juste valeur les vêtements de marin que portait son client et qui, sans doute, ne lui semblaient pas de mise en une telle circonstance.
    — Arrêtez-vous ! grogna Gilles. Je descends.
    Sautant à terre, il jeta à l’homme une pièce d’or. Celui-ci l’attrapa au vol, ravi de l’aubaine, tandis que Gilles se dirigeait vers la maison, sentant gonfler en lui une colère dont il s’efforça de se rendre maître en prenant plusieurs respirations profondes. Au bas des marches du perron, David Hunter, le gardien-maître d’hôtel de la maison, aidait à descendre de voiture une dame dont le pied minuscule émergeait d’un énorme ballon de satin rose. La dame se comportait comme si elle eût été en porcelaine, accablant le serviteur et son compagnon, un homme magnifiquement habillé de soie crème sur un ravissant gilet bleu pâle, d’une foule de recommandations touchant la fragilité de sa robe et la délicatesse de ses souliers tandis que tous deux faisaient de louables efforts pour extraire de la portière, peut-être légèrement étroite, cette montgolfière couleur d’aurore.
    Aucun des acteurs de cette petite scène ne prêta attention à Tournemine. Il escalada le perron et s’engouffra dans le vestibule où des serviteurs noirs armés de plateaux chargés de verres allaient et venaient. Des serviteurs qu’il n’avait jamais vus.
    La première silhouette connue qu’il aperçut fut celle d’Anna Gauthier. Vêtue d’une sévère robe de soie noire avec bonnet et col de dentelles blanches, elle se tenait debout près de la porte de l’office, réglant silencieusement le service. Sans même un regard vers les salons pleins de monde, Gilles alla la rejoindre.
    — Qu’est-ce que cela veut dire, Anna ? demanda-t-il maîtrisant difficilement la colère qui faisait trembler sa voix. Qui sont ces gens ?
    Elle poussa un léger cri en le reconnaissant et son regard s’emplit d’une joie où il devina du soulagement mais sa voix était douce et déférente en répondant :
    — Ce sont les amis de madame. Elle reçoit, ce soir.
    — Elle reçoit ? Vraiment ?… Elle n’est plus mourante à ce que l’on dirait ?
    Anna eut un petit sourire triste.
    — Il y a plus d’un mois que M. le chevalier nous a quittés. Bien des choses se sont passées… malheureusement !
    — Malheureusement ? Que voulez-vous dire ? Et d’abord où sont les autres ? Pierre, Pongo, Rozenn… et Madalen ?
    Le nom franchit ses lèvres avec une douceur dont il ne fut pas maître, reflet fidèle du bonheur qu’il éprouva soudain à le prononcer.
    — Dans les communs. Madame a pris Madalen comme lingère et elle n’a rien à faire dans la maison un soir de fête surtout. Pierre et Pongo sont à l’écurie. Madame pense qu’une jambe de bois n’est pas un spectacle pour des dames délicates et moins encore un Indien qui pourrait leur faire peur…
    — Et Rozenn a laissé faire toutes ces folies ? C’est insensé ! Où est-elle ?
    Les yeux d’Anna s’emplirent de larmes. Baissant brusquement la tête, elle se tourna vers le mur pour tirer son mouchoir.
    — Eh bien ? Rozenn ? insista Gilles saisi d’une angoisse soudaine.
    — Monsieur… elle est morte ! Voici près de trois semaines… On l’a trouvée dans le jardin, près de la rivière, la tête reposant sur une grosse pierre tachée de sang. Il avait plu. La terre était grasse, glissante… Elle a dû tomber. Oh ! monsieur, venez ! Venez par ici… Venez vous asseoir.
    Il était devenu tellement pâle tout à coup qu’Anna eut peur de le voir s’abattre à ses pieds.

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