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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sincèrement qu’elle accepterait de jouer le jeu avec honnêteté afin que tous deux puissent repartir de zéro en dépit du fâcheux souvenir que Judith portait en elle. Il s’apercevait qu’il n’en était rien et que le comportement de la jeune femme demeurait le même. Il avait, en face de lui, une ennemie bien décidée à lui faire payer, chèrement sans doute, la destruction de son lamentable roman avec le pseudo-docteur Kernoa…
    Aussi, quand elle gémit :
    — Comment pouvez-vous me traiter de la sorte ? Si je suis réellement votre femme comme il vous plaît de le répéter sans cesse, traitez-moi comme telle.
    — Alors agissez comme telle ! riposta-t-il, et souvenez-vous de ce que vous étiez avant de devenir la tenancière d’un tripot. Dans aucune maison bretonne où l’on se respecte on n’oserait donner une fête trois semaines après le passage de la mort par crainte de la vengeance du trépassé à défaut du chagrin de sa perte. Avez-vous donc perdu votre grande peur des fantômes ? ajouta-t-il sarcastique.
    Se signant précipitamment, elle le regarda avec horreur.
    — Pour l’amour de Dieu, taisez-vous !
    — Alors, obéissez ! Je vous l’ai dit, j’entends que dans, dix minutes, cette foule encombrante ait vidé les lieux. Vous savez si bien vous évanouir avec grâce au milieu d’un salon. Cela ne sera pas difficile.
    Tirant des dentelles de ses manches un minuscule mouchoir, Judith en tamponna ses yeux.
    — Accordez-moi un peu plus de temps, je vous en prie. Songez que ces gens représentent la meilleure société de la ville. Il faut les ménager si vous voulez vous installer ici.
    — Je n’ai pas l’intention de rester ici. Cette maison est louée. Je ne l’ai pas achetée. Dans quelques jours nous serons loin. En conséquence, l’importance de ces gens diminue d’instant en instant, n’est-ce pas ? Alors, dix minutes. Pas une de plus sinon j’irai moi-même me charger de l’évacuation et quelque chose me dit que mes méthodes n’auraient pas votre agrément. Cela dit, vous êtes très belle ce soir, madame, et je vous en fais mon sincère compliment ainsi d’ailleurs que de votre si rapide rétablissement.
    S’inclinant avec une parfaite galanterie, il ouvrit la porte devant la jeune femme et reçut au passage le regard à la fois inquiet et surpris qu’elle lui décochait. Sans doute pensait-elle que cette absence de quelques semaines avait changé bien des choses dans ce garçon qui avait été jadis un si timide amoureux…
    Il reçut aussi, en même temps, une bouffée d’un parfum qu’il ne lui connaissait pas, à la fois frais et sensuel. Il chatouilla délicieusement ses narines quand l’énorme jupe de satin frôla ses jambes.
    — M’accompagnez-vous ? demanda-t-elle avec une pointe d’anxiété.
    — Certainement pas. Ma tenue n’est pas conforme aux élégances de ce soir et je n’ai aucune envie de connaître vos amis. Je ne reparaîtrai que lorsqu’il n’y aura plus personne.
    — Vous restez ici alors ?
    — Pas davantage. Je vais rejoindre mes amis à la place qui selon vous nous convient le mieux à eux comme à moi : aux écuries !
    Il attendit cependant quelques instants pour voir comment les choses allaient se passer, expédiant Anna à la porte des salons en mission d’information. Sans doute allait-on dans un instant entendre un grand brouhaha, puis on emporterait vraisemblablement Judith évanouie jusqu’à sa chambre…
    Il n’y eut rien de tout cela qu’un grand silence soudain suivi de chuchotements contenus et des froissements de vêtements d’une foule qui s’en va tandis qu’au-dehors résonnaient les appels d’usage.
    — Les gens de Mrs. Livingstone… La voiture de Mr. et Mrs. Brevoort… Les gens de Mrs. Van Cortland…
    Trois minutes ne s’étaient pas écoulées qu’Anna reparaissait, un demi-sourire, qu’elle s’efforçait d’ailleurs de dissimuler, sur son visage toujours un peu austère.
    — Eh bien ? demanda Tournemine, madame est-elle convenablement évanouie ?
    — Pas du tout ! Madame reçoit en pleurant à chaudes larmes les consolations de ses amis avant qu’ils ne se retirent.
    — Les consolations ? Que leur a-t-elle dit ?
    — Qu’elle venait d’apprendre la mort d’un de ses frères. C’est beaucoup plus efficace qu’un évanouissement car, en ce cas, les invités auraient attendu que leur hôtesse se sente mieux en continuant de vider la cave et les

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