Haute-savane
Pongo se posa, fermement, sur son épaule.
— Non, dit-il gravement. Toi avoir eu raison. Mauvais arracher enfant à ceux qu’il pense être sa famille…
— À présent, je pense réellement que j’ai eu raison… à présent que Rozenn n’est plus ici pour s’occuper de lui. C’était pour cela que je l’avais amenée de France. Et maintenant…
Au prix d’un violent effort, il retint les larmes qui lui venaient encore. Pongo vit se crisper le poing qu’il avait noué dans la crinière du cheval tandis qu’il jetait, avec rage :
— Quel accident stupide ! Idiot ! En dépit de son âge, Rozenn savait encore courir dans les rochers, marcher dans la vase, étendre du linge sur le bord d’une rivière sans tomber dedans. Et ici à cause d’un peu de boue…
— Boue y être pour rien ! coupa Pongo. Et pierre pas davantage… tout au moins celle où vieille femme reposait.
— Que veux-tu dire ?
— Pas accident. Meurtre !
— Quoi ?
Le mot fit peser tout à coup sur l’écurie silencieuse son poids d’horreur. À la lumière de la lanterne qui éclairait la stalle Gilles considéra, incrédule encore, le visage de bronze de son ami. Jamais il ne lui était apparu si sombre. Il crut y lire aussi une nuance de pitié.
— Pongo ! murmura-t-il avec une angoisse presque suppliante. Te rends-tu compte de ce que tu viens de dire ? Un… meurtre ? Cela voudrait dire que…
— Vieille femme a été tuée, oui.
— Mais enfin, c’est insensé. Qui aurait pu faire ça ? Et pourquoi l’aurait-on tuée ?
L’Indien hocha la tête.
— Qui ? Pourquoi ? Pongo pas savoir. Mais avec quoi, Pongo savoir.
— Eh bien, dis-le !
Pour toute réponse, Pongo fit le geste de faire tournoyer quelque chose au-dessus de sa tête. La démonstration était claire et Gilles saisit tout de suite.
— Une fronde ?
— Pongo ignorer nom dans ta langue. Cela sert à lancer pierres.
— C’est bien cela. Mais si tu ignores qui est l’assassin, comment sais-tu avec quoi il a frappé ?
— Viens ! Pongo te montrer…
Décrochant l’une des lanternes de l’écurie, qu’il aveugla d’ailleurs avant de sortir pour que la lumière ne soit pas remarquée de la maison, l’Indien entraîna Gilles au-dehors. La nuit était assez claire pour pouvoir traverser le parc sans autre éclairage et les deux hommes. descendirent le très long chemin menant jusqu’à la rivière de Harlem, passant du jardin proprement dit à une succession de prairies en pente douce.
— Qu’allait faire Rozenn à la rivière, le sais-tu ? Laver du linge ? Se promener ?
— Promener peut-être mais pas laver linge. Rien trouvé. A dû descendre très tôt, le matin. Était encore chaude quand on a trouvé…
— Qui l’a trouvée ?
— Filles descendues pour laver linge, justement… Tiens ! Voici endroit.
Les deux hommes étaient arrivés au bord de l’eau. Une sorte de petit lavoir composé de ces caisses en bois dans lesquelles s’agenouillent les lavandières y était installé. Libérant la lumière de sa lanterne, Pongo montra à Gilles une grosse pierre plate qui se trouvait ancrée dans le chemin suivant la rivière.
— Regarde, dit-il en s’agenouillant auprès d’elle pour mieux expliquer. Pierre toute plate. Si vieille femme tombée sur elle vieille femme se briser le crâne.
— En effet. N’est-ce pas ce qui s’est passé ?
— Non. Vieille femme blessée là, fit-il indiquant sur sa propre tête le haut de la nuque, à l’endroit du cervelet. Elle traînée sur pierre où, bien sûr, sang couler. Mais sang couler aussi là, ajouta-t-il en désignant un endroit de la prairie situé de l’autre côté du chemin à environ deux mètres de la pierre.
— Tu veux dire, fit Gilles, qu’on l’a tuée là et qu’ensuite on l’a traînée ici de manière que sa tête repose sur la pierre.
Pongo approuva de la tête puis reprit :
— Herbe relevée, sang effacé à l’endroit crime mais Pongo bien remarquer faibles traces et petit peu de sang resté sur herbe. Aucun doute !
Il y eut un silence. Accablé, Gilles essayait de mettre de l’ordre dans ses pensées car toutes choses, d’un seul coup, étaient devenues bizarres, anormales autour de lui. Comme le disait Pongo sa démonstration ne laissait place à aucun doute sur la façon dont Rozenn était morte. Quelqu’un l’avait tuée. Mais alors qui pouvait être ce quelqu’un ? Quel ennemi cette bonne
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