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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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d’une fronde… En remontant vers la maison dont le fronton et la colonnade, d’un blanc neigeux, dessinaient dans la nuit le fantôme d’un temple grec, Gilles se sentait l’âme lourde et le corps plus las que s’il avait, pendant huit jours, ramé aux galères car peu à peu s’ancrait en lui une semi-conviction : Tudal et Morvan avaient été des misérables, des assassins ; se pouvait-il que Judith partageât quelque peu un atavisme venu on ne savait d’où ? Cela était difficile à croire lorsque l’on évoquait la mort misérable mais si digne, si noble et si pudique de son père mais qui pouvait dire avec certitude quelles étranges obscurités pouvait transmettre un sang venu de la nuit des temps ? Lui-même, en qui vivait celui, féroce, des seigneurs-forbans de La Hunaudaye, n’était pas toujours maître absolu de certaines impulsions dont la violence lui paraissait curieusement étrangère.
    Devant les marches, Pongo et lui se séparèrent, l’Indien préférant de beaucoup regagner l’écurie où il avait sa chambre plutôt que suivre son maître dans la maison où, d’ailleurs, seules les femmes avaient droit de cité. Sous le péristyle, Tournemine trouva Hunter qui l’attendait.
    — M. le chevalier compte-t-il ressortir ou bien pouvons-nous fermer la maison ? demanda-t-il avec respect.
    — Vous pouvez fermer. Mais, dites-moi, mon ami, je n’ai pas vu Mrs. Hunter. N’est-elle pas ici ?
    — Non, monsieur. Elle s’est absentée pour quelques jours afin de se rendre à Carmel auprès de sa sœur qui vient d’avoir un septième enfant. Madame lui a gracieusement accordé la permission d’aller s’occuper un moment des six autres puisque Mrs. Gauthier, qui s’entend fort bien aux choses de la maison, pouvait la remplacer.
    — C’est donc parfait ainsi. Bonsoir, Hunter. Je vous verrai demain afin que nous examinions ensemble les livres de comptes puisque Mrs. Hunter n’est pas là.
    — Aux ordres de M. le chevalier. Je souhaite une bonne nuit à monsieur. Mrs. Gauthier m’a chargé de lui dire que sa chambre est prête.
    Anna, en effet, l’attendait en haut de l’escalier, armée d’un chandelier. Sans un mot, elle le précéda jusqu’à une grande chambre située à l’un des angles de la maison, s’assura d’un coup d’œil que tout y était en ordre puis, déposant le chandelier sur une table qui avait peut-être servi de bureau au général Washington, elle esquissa une révérence et se dirigea vers la porte. Mais, avant qu’elle ne l’eût franchie, Gilles l’arrêta.
    — Un mot encore, Anna. Quelle chambre occupe ma femme ?
    — Celle qui se trouve au bout de cette galerie… tout juste à l’opposé de celle-ci.
    — C’est elle qui en a décidé ainsi ? Je veux dire en ce qui concerne mon logement ?
    Visiblement gênée, Anna Gauthier détourna les yeux mais ne put se dispenser de répondre :
    — Ce sont ses ordres.
    — Parfait. En ce cas veuillez aller lui dire qu’elle se dispose à me recevoir. Puisque sa santé est redevenue si florissante il n’y a aucune raison pour que nous fassions euh… dirai-je, continent à part ?
    Anna devint toute rouge. Ce que sous-entendait l’arrogant message dont on la chargeait la choquait et la mettait mal à l’aise, mais Gilles entendait imposer à Judith un dressage quasi public et il n’ignorait pas qu’elle se sentirait humiliée par une mise en demeure sentant à ce point son Louis XIV. Mais Anna n’était pas de celles qui discutent un ordre, si étrange soit-il, et elle se contenta d’un : « Bien, monsieur… » essentiellement passif.
    — Au fait, Anna, où logez-vous ? Au second étage ?
    — Non. Mrs. Hunter qui a pris Madalen en amitié nous héberge dans sa maison, ma fille et moi. C’est…
    — Beaucoup plus agréable, je n’en doute pas un instant, fit Gilles avec un bon sourire. Eh bien, bonne nuit, Anna. Allez vous reposer…
    Demeuré seul, il se déshabilla et procéda à sa toilette. Anna, qui décidément n’oubliait rien, avait fait remplir d’eau chaude la baignoire de cuivre qui occupait la plus grande place dans le cabinet de toilette voisin de sa chambre. Cette attention, qu’il n’avait pas demandée, le fit sourire : il devait conserver sur lui suffisamment de fumet indien pour offusquer les narines d’une honnête femme. Il constata, d’ailleurs, en entrant dans l’eau, que, pour plus de sûreté, Anna avait déversé une bonne

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