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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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qui acceptait de se faire retourner, même s’il avait jusque-là
résisté aux pires tortures, dès l’instant qu’il craquait, dès l’instant qu’il
avait pris sa décision, alors, je me souviens de son expression, Trepper avait
constaté que celui-là, le plus souvent, « se roulait dans la trahison
comme dans la boue ». Karel Čurda ne s’est pas contenté de mettre la
Gestapo sur la trace des auteurs de l’attentat mais a également fourni les noms
de tous les contacts qu’il avait et de tous les gens qui lui étaient venus en
aide depuis son retour au pays. Il a vendu Gabčík et Kubiš mais il
a donné tous les autres. Rien ne l’obligeait à mentionner l’existence de
« Libuše », l’émetteur radio, par exemple. Au lieu de quoi, il a
lancé la Gestapo sur la piste des deux derniers rescapés du groupe de
Valičík, « Silver A », le capitaine Bartoš et le
radiotélégraphiste Potuček. La piste mène à Pardubice, où Bartoš, cerné,
se suicide comme ses camarades au terme d’une course-poursuite dans la ville.
Sur lui, malheureusement, on trouve un petit carnet avec des tas d’adresses.
Ainsi Pannwitz peut-il continuer à dérouler la pelote. Le fil passe par un tout
petit village du nom de Ležaky qui devient le Nagasaki de Lidice. Le
26 juin, le radiotélégraphiste Potuček, dernier des parachutistes
encore vivant, émet l’ultime dépêche de « Libuše » : « Le
village de Ležaky où je me trouvais avec mon poste émetteur a été rasé. Les
gens qui nous avaient aidés ont été arrêtés [seules deux petites filles blondes
aptes à la germanisation survivront]. Grâce à leur soutien, j’ai pu me sauver
et sauver la station. Ce jour-là, Freda [Bartoš] n’était pas à Ležaky. Je ne
sais pas où il est et lui ne sait pas où je suis actuellement. Mais j’espère
que nous réussirons à nous retrouver. Maintenant je reste seul. Prochaine
émission le 28 juin à 23 heures. » Il erre dans les forêts, se
fait repérer dans un autre village, parvient encore à s’échapper en s’ouvrant
la route à coups de revolver mais, traqué, affamé, épuisé, il est finalement
capturé et fusillé le 2 juillet près de Pardubice. J’ai dit que c’était le
dernier parachutiste mais ce n’est pas vrai : il reste Čurda le
traître qui touche son argent, change de nom, se marie avec une Allemande de souche
et devient agent double à temps plein pour le compte de ses nouveaux maîtres.
Pendant ce temps, A54, le superagent allemand, est envoyé à Mauthausen, où il
parvient à différer sans cesse son exécution en jouant les Schéhérazade. Mais
tous n’ont pas autant d’histoires à raconter.
    Ata Moravec et son père, Anna
Malinová, la fiancée de Kubiš, Libena Fafek, celle de Gabčík, 19 ans,
sans doute enceinte, avec toute sa famille, et les Novák, les Svatoš, les
Zelenka, Piskáček, Khodl, j’en oublie tant, le prêtre orthodoxe de
l’église et toute sa hiérarchie, les gens de Pardubice, tous ceux qui de près
ou de loin ont été convaincus d’avoir aidé les parachutistes sont arrêtés,
déportés, fusillés ou gazés. L’instituteur Zelenka a toutefois le temps de
croquer sa capsule de cyanure lors de son arrestation. On dit que M me  Nováková,
la mère de la jeune fille à la bicyclette, est devenue folle avant d’être
emmenée à la chambre à gaz avec ses enfants. Ils sont très peu à être passés à
travers les mailles du filet comme le concierge des Moravec. Même Moula le
chien, dont Valičík lui avait confié la garde, s’est laissé mourir de
chagrin d’avoir perdu son maître, dit-on. Encore l’animal avait-il accompagné
Valičík dans ses repérages. Mais s’ajoutent aussi tous ceux qui n’avaient
aucun rapport avec l’attentat, des otages, des Juifs, des prisonniers
politiques exécutés en représailles, des villages entiers, Anna
Maruščaková et son amant, dont la correspondance innocente a engendré le
massacre de Lidice, et aussi les familles des parachutistes dont le seul crime
était de leur être affiliées, des Kubiš et des Valičík par poignées, tous
déportés et gazés à Mauthausen. Seule la famille de Gabčík, son père, ses
sœurs, échappèrent au massacre grâce à leur nationalité slovaque, car la
Slovaquie était un Etat satellite mais pas un Etat occupé et pour préserver les
apparences de son indépendance, elle ne s’est pas résolue à exécuter des
compatriotes, même pour complaire à

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