Histoire De France 1618-1661 Volume 14
voulut se baigner, et Laporte «vit bien de quoi il étoit triste.»
Laporte sut les choses, mais non pas les personnes. L'enfant ne dénonça pas «l'auteur du fait,» celui avec qui le pervers avait cru le lier par une complicité de honte. Je ne vois près de Mazarin de jeunes gens que ses neveux. L'un fort petit, élevé aux Jésuites, dans leur collége de Clermont. L'autre, déjà hors de pages, n'avait que deux ans de plus que le roi, et pouvait être un camarade. Il était fort aimé de tout le monde pour sa douce et jolie figure, et pour un charme d'esprit et de bonté. Ces deux neveux périrent très-misérablement. Le petit, que son oncle avait mis au collége pour se populariser, fut berné par ses camarades sur une couverture, mais tomba par terre, fut tué. L'autre, cette brillante fleur d'Italie par laquelle il croyait tenir le roi, périt victimede l'impatience qu'il avait de l'avancer. Il l'exposa au combat du faubourg Saint-Antoine, l'y fit lieutenant général à dix-sept ans, et au moment il fut tué.
Pour revenir, Laporte comprit bien que, de toute façon, il était perdu, qu'il parlât ou ne parlât pas. Mais cet homme honnête et courageux, qui avait risqué sa vie pour la reine, s'immola encore, l'avertit. Il était sûr que, dans sa misérable servilité pour Mazarin, elle ne garderait pas le secret. Et, en effet, bientôt Laporte fut chassé en perdant (sans indemnité) la petite charge qui était l'unique patrimoine de sa famille.
Elle profita de l'avis toutefois. L'enfant, fort différent de son jeune frère, aimait les femmes et n'aimait qu'elles. Sa mère paraît l'avoir confié de bonne heure à la maternité galante d'une dame fort laide, madame de Beauvais, sa première femme de chambre, pas jeune et qui n'avait qu'un œil. Elle n'en fut pas moins, dit Saint-Simon, la première aventure du roi.
Voilà donc la situation à la Saint-Jean. Admirable de tous côtés. Sodome à Saint-Germain. Et au Palais, l'avant-goût du carnage qui eut lieu quelques jours après. Ici la boue, et là le sang.
Pendant qu'un prêtre, puis un chartreux, et encore une belle dame, maîtresse de Condé, négocient pour lui à la cour, Mazarin a enfin ses deux armées et peut agir. Condé va se trouver à Saint-Cloud pris entre les deux. Il entreprend de filer sous les murs et d'aller se poster au confluent de Charenton. Opération scabreuse devant un général aussi attentif queTurenne, qui, de Montmartre, de Ménilmontant, de Charenton, pouvait à chaque pas le foudroyer. Condé remit tout à la chance, et compta sur son danger même, pensant qu'il déciderait Paris à le recevoir. Mais le contraire advint. Il frappa à toutes les portes. Aucune n'ouvrit. À la porte Saint-Denis, Turenne était là, pouvait l'écraser de boulets. Il lui tua peu d'hommes d'arrière-garde, et le laissa passer jusqu'à la porte Saint-Antoine.
Condé envoyait coup sur coup presser, prier Monsieur. Sa fille aussi priait, pleurait. Monsieur faisait le malade, et tous les gens de sa maison riaient, pensant que Condé serait tué. Cependant Monsieur, sentant bien qu'il se compromettait par son inaction, sans agir, écrivit. Il donna une lettre vague à Mademoiselle pour l'autoriser à demander à l'Hôtel de Ville les choses nécessaires . Avec ce mot, l'audacieuse princesse pouvait ce qu'elle voulait. Le gouverneur de Paris L'Hospital et le prévôt des marchands lui étaient fort contraires. Ils voulurent ajourner. Leur résistance ne dura pas le temps d'une messe basse qu'elle prit en passant par morceaux. La Grâce agit, surtout par les cris de la Grève, où l'on entendait nettement: «Entrons, noyons ces Mazarins.»
Donc Mademoiselle emporta ce qu'elle voulait, un secours pour Condé, et, le plus difficile, sa retraite à travers Paris. Elle avance bravement au bruit des canonnades dans la rue Saint-Antoine, rencontrant des morts, des blessés, la plupart ses amis. Elle s'émeut, mais sans se troubler.
Condé a fait des efforts surhumains, mais fait despertes énormes. Il trouve Mademoiselle établie dans une maison tout près de la Bastille. Elle lui offre de lui ouvrir Paris. Il refuse de reculer. «Il était dans un état pitoyable. Deux doigts de poussière sur le visage, ses cheveux mêlés, sa chemise sanglante, sa cuirasse pleine de coups, l'épée nue à la main (ayant perdu le fourreau).... Il pleurait....»
Mademoiselle, pendant qu'il retourne au combat, lui envoie des renforts, fait filer les bagages,
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