Histoire De France 1618-1661 Volume 14
aux drapeaux de Philippe IV, l'aurait ouvert au Mazarin.
Celui-ci était fort tranquille. Il avait sous la main Turenne, et plus loin la Ferté avec une seconde armée. Le duc de Lorraine vint un moment aider les princes, mais fut aisément renvoyé, ou par terreur ou par argent. N'ayant de bien que son armée, il hésitait beaucoup à la risquer en agissant contre Turenne. Il partit le 16 juin.
Condé, désespéré, retomba sur Paris, son unique ressource, étant sûr de périr s'il n'en venait à maîtriserla ville, à s'y loger militairement, à l'exploiter à fond par sa fausse Fronde, mi-canaille et mi-gentilshommes, faux savetiers, faux maçons qu'il jetait dans le peuple, et qui, sous cet habit, étaient de vieux soldats, nés et habitués dans le sang, et tout prêts aux plus mauvais coups.
Déjà cette terreur avait réussi contre Monsieur. Un de ces maçons de Condé tira sur lui deux coups de pistolet par-devant tout le peuple aux portes du Palais de Justice. Monsieur s'enfuit à toutes jambes. Depuis ce temps, il aima fort Condé et ne put lui rien refuser.
Monsieur dompté, il fallait dompter le Parlement. Le 25 juin, une foule immense assiége le Palais. Le peuple veut qu'on en finisse. D'abord, malentendu entre des compagnies bourgeoises, qui tirent l'une sur l'autre. Les gens de Condé en profitent. Ils nettoyent le grand escalier à coups de pistolet, tuent trente personnes, en blessent un nombre infini dans cette foule compacte. Les magistrats veulent sortir. On leur saute à la gorge. On les fait rentrer pour voter. On bat, on gourme, on traîne les conseillers plus morts que vifs. Les arrêts désormais seront rendus dans le désert, sans président ni conseillers, par quelques jeunes gens des Enquêtes.
Ce qui rend ceci plus horrible, c'est ce qu'explique fort bien Mademoiselle, la grande alliée de Condé. En frappant ce coup sur le Parlement pour l'empêcher de traiter, il voulait traiter lui-même. Il prêtait une oreille crédule aux vaines propositions dont l'amusait le Mazarin. Mais celui-ci employait ce temps; de touscôtés, il rassemblait des troupes, fortifiait Turenne. Une révélation curieuse nous montre qu'à ce moment il était occupé de l'intérieur de la petite cour, autant et plus que de Paris. Le jeune roi avait quatorze ans. On pouvait le croire assez près d'une crise de nature qui donnerait prise sur lui. Sa mère le garderait-elle? ou Mazarin s'en emparerait-il? C'était déjà la question.
Mazarin avait honteusement, indignement négligé l'enfant, et il portait la mère sur ses épaules. Il était excédé des assiduités d'une grosse femme de cinquante ans. Tendre, en réalité trop tendre, elle avait pris dans son absence assez patiemment les galanteries du facétieux Retz. Cela eût été loin si elle n'eût su qu'on en répétait tous les soirs la comédie chez les Chevreuse. Bref, Mazarin, à son retour, ne fut plus le doux, le charmant cardinal, l'ancien Mazarin, mais un rude et brusque mari, ne daignant même ménager les convenances du rang, et disant à la pauvre reine devant témoins: «Il vous sied bien, à vous, de me donner des avis!»
Il n'avait rien fait jusque-là pour gagner le jeune roi. Il le laissait sans argent dans la poche, ne renouvelait pas même ses habits, si bien qu'à quatorze ans il avait ceux de douze, beaucoup trop courts. Il n'aimait que sa mère, était très-caressant pour elle. À vrai dire, elle achetait cela par une complaisance sans bornes, faible et molle, soumise à ses moindres caprices. On pouvait croire qu'elle le voulait garder dépendant, à force de tendresse. La grande affaire de cour tant disputée entre les dames, la questionde savoir laquelle donnait la chemise au lever, avait été tranchée; elle ne la prenait que des mains de son fils. Déjà grand, il voulait, exigeait qu'elle le baignât avec elle. Il le voulut un jour, ayant très-chaud, au risque de sa vie, et, sans le médecin, elle hasardait la chose, plutôt que de lui résister.
Déjà il recherchait les dames, se plaisait au milieu des filles de la reine. Il y avait à parier qu'il choisirait bientôt, qu'il aurait quelque favorite. Mais s'il avait un favori? C'est à quoi songea Mazarin. À la Saint-Jean (précisément la veille du massacre fait au Parlement), Mazarin invite l'enfant à dîner. On dînait vers midi. Il revint à sept heures du soir. Que se passa-t-il dans cette longue fête? On ne le sait; mais il revint triste, dit Laporte; il
Weitere Kostenlose Bücher