Histoire De France 1618-1661 Volume 14
plus que de l'extérieur, et bien plus encore des complots dont il était environné. Sublet régna, à tort et à travers; il a laissé partout des marques de son génie, l'érection des églises jésuites à pots de fleurs, la destruction des œuvres les plus hautes de la Renaissance, spécialement de la sublime Léda de Michel-Ange, l'unique tableau qu'il eût peint à l'huile, qui était à Fontainebleau. Cet animal, chargé de recevoir le Poussin que Richelieu appelait de Rome et logeait aux Tuileries, eut l'impertinence de lui tailler la besogne, exigeant qu'il lui fît tant de chefs-d'œuvre par mois. Le Poussin se sauva à Rome.—L'attraction des sots pour les sots rendait Sublet très-cher au roi. Ils disaient leur rosaire ensemble. Cela enhardit fort le petit homme, si bien qu'en dessous il commençait tout doucement à trahir le roi pour la reine, croyant être par elle archevêque de Paris. Le mourant le mit à la porte. Et la reine, une fois régente, ne se souvint plus de Sublet, qui prit la chose à cœur, et, comme le pauvre père Joseph, creva d'ambition rentrée (1645). [Retour au texte principal.]
Note 11: Ici, et plus haut, je suis la Vie anonyme de madame de Hautefort, publiée par M. Cousin.—On lui a très-amèrement et très-justement reproché son culte pour les Chevreuse, les Longueville, etc. Il est triste, en effet, de voir cet ancien et illustre maître, éloquent initiateur de la jeunesse au stoïcisme de Kant et de Fichte, de le voir, dis-je, aux genoux de ces coureuses dont les intrigues noyèrent la France de sang. Elles avaient de l'esprit, je le veux bien. Qui n'en avait? Elles parlaient à merveille. «Celui qui parlerait mal à la cour, dit La Bruyère, aurait le mérite d'un savant dans les langues étrangères.»—Avec tout cela, M. Cousin a publié des textes inédits dont on doit profiter, révélé des faits curieux. On ne connaissait bien ni madame de Hautefort, ni mademoiselle Lafayette, ni même la reine Anne. La fameuse affaire du Val-de-Grâce n'était pas bien éclaircie. On sait maintenant ( Chevreuse , p. 52) que, le jour de l'Assomption, la reine communia et jura par l'Eucharistie qu'elle avait dans l'estomac, qu'elle n'avait pas correspondu avec l'Espagne . Puis elle avoua qu'elle avait menti et qu'elle s'était parjurée , qu'elle avait averti son frère de l'envoi d'un espion français en Espagne, et des traités que l'Angleterre et le duc de Lorraine allaient faire avec la France pour que l'Espagne pût les empêcher.
Partout ailleurs, la partialité de M. Cousin pour la galante reine est bien naïve. Il doute du succès de Buckingham auprès d'elle. Et pourquoi? Parce que Tallemant n'en a rien dit (il a omis bien d'autres choses), parce que la Rochefoucauld n'en a rien dit. Mais la Rochefoucauld, le chevalier personnel de la reine, si dévoué, qu'elle voulait se faire enlever par lui à Bruxelles, n'avait garde de parler d'une telle aventure. Retz, qui la conte, la tenait de la meilleure source, de la Chevreuse, de celle même qui livra la reine à Buckingham dans le jardin du Louvre.—M. Cousin, dans un autre passage ( Hautefort , p. 28, etc.), dénature les faits et les obscurcit par une simple intervention chronologique. Il parle de la retraite de Lafayette, de la grossesse de la reine, de la naissance de Louis XIV (1638) avant de parler du danger de la reine, de l'affaire du Val-de-Grâce, de l'expulsion de Caussin, etc. C'est placer les causes après les effets. On n'y comprend plus rien. Dès que l'on rétablit les dates dans leur ordre sévère, la clarté reparaît. C'est parce qu'en 1637 elle se crut perdue par deux fois (en août au Val-de-Grâce, et le 9 décembre par l'échec de Caussin), c'est pour cela qu'on fit le 9 la tentative extrême. Sa grossesse, qui date de cette nuit, fit son salut et lui donna quinze ans de règne.—Une chose singulière, et qu'on peut vérifier à Westminster sur l'effigie de Buckingham, c'est que Louis XIV ressemblait (un peu lourdement, il est vrai) à ce bel Anglais, mort dix ans avant sa naissance. Dira-t-on que la reine, qui toute sa vie garda ce souvenir, l'eut présent à l'esprit au moment de la conception? Du reste, si elle fut enceinte en 1628 du fait de Buckingham, comme elle le craignit (V. Retz), il ne serait pas étonnant que l'enfant de 1638 lui eût ressemblé. Le premier amant (dit M. Lucas, Hérédité ) détermine souvent le type des enfants futurs qui naîtront de ses successeurs. [Retour au
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