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Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Titel: Histoire De France 1618-1661 Volume 14 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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peureux, flatteur; on craignait extrêmement un maître à perpétuité. Les enfants pauvres, les boursiers, sous cette perspective, et suivis ainsi de la verge, devaient travailler ou périr. La vieille Université de Paris, qui fouettait tant, reproche cependant aux Jésuites de ne fouetter que les pauvres, ces malheureux boursiers, tenus au collége par leur subsistance.
    «Voilà qui est bien dur, diront les mères. Et comment tant de grandes dames confiaient-elles à ces terribles Pères leur douce progéniture?» Rassurez-vous. Autant leur mécanique, vue par là, était dure, autant, d'un autre côté, elle était douce. Tous les Jésuites n'étaient pas professeurs, beaucoup étaient amis . L'amitié était une position, un métier, une profession spéciale. Parmi ces Jésuites non enseignants, mais amateurs, qui causaient, conseillaient, observaient, se promenaient, faisaient de la littérature, l'enfant pouvait se choisir un ami . Quoi de plus rassurant pour la pauvre mère qui amenait son nourrisson et s'en allait en larmes, que de le confier à ce bon Père qui en faisait son pupille, se chargeait de le recommander, d'intervenir pour lui, d'adoucir le pédant, de sauver un enfant si tendre! «N'ayez pas peur, madame. Tout cela est pour nos boursiers, des enfants rudes qui ne vont que par là... Mais ce beau cher petit seigneur! j'en réponds, et rassurez-vous,» disait le Père.—Un père? bien mieux, une mère tendre qui partageait ses jeux mieux que n'eût fait sa mère, l'aidait dans son devoir, le menait au jardin, et cueillait avec lui des fleurs. Inutile de dire que cet homme charmant devenait pour l'enfant un confident aimé, indispensable; l'écolier le cherchait, dès qu'il était libre, lui disait toutes ses pensées. L' ami savait le fond du fond, dix fois plus que le confesseur. Il renseignait parfaitement la Compagnie, et sur l'enfant, ses qualités, ses vices, ses tendances, son caractère, et sur tout ce que l'enfant pouvait savoir ou entrevoir des secrets de sa famille. Le connaissant à ce point-là, il avait sur lui les plus fortes prises, s'en emparait de plus en plus. Tellement, qu'au grand étonnement de la mère, quand elle venait voir son enfant, il était froid, rêveur, distrait, visiblement ennuyé d'elle, et fort impatient d'aller jouer avec son ami . Mais on jouait bien moins qu'on ne causait. Les Jésuites étaient fort caillettes, commères intarissables, aussi bavards que curieux.—Il y avait, en cette institution, du bien, du mal. Sans nul doute, la société douce et bonne d'un homme d'esprit peut affiner bien vite; c'est ce qu'il y a de plus fort pour mûrir en serre chaude et donner de prompts résultats. La concurrence était extrême et poussée par tous les moyens. On faisait de petits parleurs, des académiciens de douze ans, et des acteurs de treize pour les comédies de collége.
    Voilà le bien, si c'en est un. Le mal était ceci: Dans l'éducation ordinaire, un même homme étant obligé d'alterner la rigueur et l'indulgence, cumulant les deux rôles de Grâce et de Justice, neutralise par l'une les effets de l'autre; il influe moins comme homme que comme doctrine et ne prend d'autorité que celle de la raison. Mais ici, l'homme de la Grâce n'ayant point à sévir jamais, étant toujours un camarade aimable, un aide utile, un protecteur surtout, défendant l'enfant de la peur, infailliblement gagnait tout le cœur de la petite créature. Ce qui en advenait, on le sait trop.
    Si des résultats moraux et de l'éducation nous passons à l'instruction, examinons quelle était la valeur réelle de leur enseignement. On le devine par leurs très-médiocres commentaires sur les auteurs anciens. Grande chute! quand on arrive là en sortant de la vigoureuse et mâle érudition du XVI e siècle, qui retrouva parfois l'âme même de l'Antiquité. À qui fera-t-on croire que de plats écrivains, grotesques et ridicules, comme ils furent généralement, ont pu être de vrais interprètes du noble génie antique? Cent ans avant Pascal, Rabelais note d'un trait vigoureux l'aurore de cette belle littérature (la Savatte de pénitence, la Pantouffle d'humilité, etc.). Elle fleurit de plus en plus. N'inventant plus rien, on édite, on ramasse, on balaye, on compile. Les gros recueils commencent avec je ne sais combien de mauvais livres de classe. Dans ces catacombes de l'ennui, l'on recueille religieusement tout l'inutile, le detritus et le caput mortuum . À côté fourmille,

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