Histoire De France 1618-1661 Volume 14
balcon, croyant, dans la fumée, voir s'évanouir Richelieu.
Cela le 20. Et, le 26, le même effet en Italie, sous Casal, effet décisif et terrible sur notre armée. Richelieu, du 2 au 26, avait obtenu du roi réveillé un effort désespéré; il avait de ses mains arraché aux intendants, envoyé l'argent nécessaire. Plus, des renforts. Plus, l'ordre précis du roi de donner la bataille, et, si on la gagnait, de ne pas s'amuser à ménager l'Espagne, mais de finir ces comédies et d'entrer dans le Milanais. Cette armée était sous trois maréchaux, Schomberg et d'Effiat, deux hommes de talent et très-sûrs, le troisième suspect (l'agent des reines), Marillac, frère du garde des sceaux. Mais ce Marillac dut marcher. Schomberg, ayant l'ordre précis et répété, ne voulut plus attendre une heure, et mena l'armée à l'ennemi. Les Espagnols étaient perdus. Leur grand général Spinola venait de mourir, et leur courage aussi. Les Français, pleins d'élan, allaient leur passer sur le corps, et d'autant plus sûrement qu'ils avaient carte blanche, non plus pour secourir une méchante ville de Piémont, mais pour s'en aller voir Milan, la Lombardie.
À ce moment, comme du ciel, un secours vient aux Espagnols, l'envoyé du pape, l'abbé Mazarino. C'était le 26, et, depuis plusieurs jours, le traité fait le 13 avait été apporté en Piémont. Une semaine entière, probablement, Mazarin le garda en poche, devinant bien, le rusé comédien, le parti qu'il en tirerait. Aux premières salves, faites de loin, sans danger encore,notre abbé se présente aux rangs français, court, se démène, fait signe d'un mouchoir le long des premiers rangs; il va, vient, voltige à cheval, criant: La paix! la paix!
Ce n'était pas assez pour arrêter Schomberg, qui, le matin encore, dans une dernière lettre du roi, avait lu qu'il ne reconnaissait pas cette paix. Mais c'était assez pour détremper ceux (il y en a en toute armée) qui ne marchent pas volontiers. C'était assez pour faire crier à Marillac que tout était fini. Schomberg lui-même se rangea à cet avis, tant il vit les esprits changés et l'armée refroidie.
Le résultat de cette farce était de finir la résistance de Casal.
Assiégeants, assiégés, Espagnols et Français s'en vont. Mais les impériaux (pires qu'Espagnols) y entrent, un commissaire de l'Empereur, avec une armée de domestiques allemands.
Ce joli trait de Mazarin commença la carrière de ce grand Mascarille.
Tout le parti espagnol en Europe, et nos reines surtout, en firent, en ornèrent la légende. Et quoi de plus touchant? Entre deux armées engagées, dans la première furie, sous une grêle de balles, ce jeune homme intrépide (mousquetaire avant d'être prêtre) se précipite, brave mille morts pour arrêter l'effusion du sang.
Tant de courage, d'humanité, de charité chrétienne... Tout à la fois la légende d'un saint et celle d'un héros de roman!...
Telle fut la noble et charmante auréole sous laquellefut bientôt présenté à notre Espagnole Anne le sauveur de l'armée d'Espagne. Admirable rencontre! mystérieuse prédestination! On fit remarquer à la reine que cet ange de paix avait des traits du beau, du noble Buckingham, du héros qu'elle avait aimé. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE V
JOURNÉE DES DUPES.—VICTOIRE DE RICHELIEU SUR LES REINES ET MONSIEUR
De novembre 1630 à juillet 1631
L'effort du grand ministre, les nobles velléités du roi à son réveil, avaient donc avorté. On devait croire le roi indigné contre ceux qui lui avaient enlevé une victoire certaine, une conquête probable. Or, le contraire advint. En gardant encore son ministre, il assura de nouveau aux reines que, «la paix faite, il le renverrait.» (Fin d'octobre 1630.)
Par quelle prise avaient-elles ressaisi le roi? Par la plus imprévue: une femme, un amour... Cet insensible, ce malade saigné à blanc, si pâle, qui faisait presque peur, on trouva l'art de le rendre amoureux!
L'aventurier Vaultier, musicien de la reine mère,qui s'était fait son médecin et astrologue, était un esprit pénétrant. On lui doit cet hommage. Il devina que ce moment où un homme échappe à la mort, où, les cierges de l'extrême-onction s'éteignant, il voit la vraie lumière, se croit rené, il est infiniment sensible par sa faiblesse même, enfant, tendre et poète, sous l'enchantement de sa nouvelle aurore.
Donc, il advint que cette aurore, cette belle lumière de vie dont la nature se pare
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