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Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Titel: Histoire De France 1618-1661 Volume 14 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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partie par une riche demoiselle de la ville, qu'il disait être maîtresse du curé. Comme calomniateur, il fut condamné à l'amende honorable.
    La supérieure était perdue. On eût aisément constaté ce que vit plus tard un témoin, que ses stigmates étaient une peinture, rafraîchie tous les jours. Mais elle était parente d'un conseiller du roi, Laubardemont, qui la sauva. Il était justement chargé de raser les forts de Loudun. Il se fit donner une commission pour faire juger Grandier. On fit entendre au cardinal que l'accusé était curé et ami de la Cordonnière de Loudun , un des nombreux agents de Marie de Médicis; qu'il s'était fait le secrétaire de sa paroissienne, et, sous son nom, avait écrit un ignoble pamphlet.
    Du reste, Richelieu eût voulu être magnanime et mépriser la chose, qu'il l'eût pu difficilement. Les Capucins, le Père Joseph, spéculaient là-dessus. Richelieu lui aurait donné une belle prise contre lui près du roi s'il n'eût montré du zèle. Certain M. Quillet, qui avait observé sérieusement, alla voir Richelieu et l'avertit. Mais celui-ci craignit de l'écouter, et le regarda de si mauvais œil, que le donneur d'avis jugea prudent de se sauver en Italie.
    Laubardemont arrive le 6 décembre 1633. Avec lui la terreur. Pouvoir illimité. C'est le roi en personne. Toute la force du royaume, une horrible massue, pour écraser une mouche.
    Les magistrats furent indignés, le lieutenant civil avertit Grandier qu'il l'arrêterait le lendemain. Il n'en tint compte et se fit arrêter. Enlevé à l'instant, sans forme de procès, mis aux cachots d'Angers. Puis ramené, jeté où? dans la maison et la chambre d'un de ses ennemis, qui en fait murer les fenêtres pour qu'il étouffe. L'exécrable examen qu'on fait sur le corps du sorcier, en lui enfonçant des aiguilles pour trouver la marque du Diable, est fait par les mains mêmes de ses accusateurs, qui prennent sur lui d'avance leur vengeance préalable, l'avant-goût du supplice!
    On le traîne aux églises en face de ces filles, à qui Laubardemont a rendu la parole. Il trouve des bacchantes que l'apothicaire condamné soûlait de ses breuvages, les jetant en de telles furies qu'un jour Grandier fut près de périr sous leurs ongles.
    Ne pouvant imiter l'éloquence de la possédée de Marseille, elles suppléaient par le cynisme. Spectacle hideux! des filles, abusant des prétendus diables, pour lâcher devant le public la bonde à la furie des sens! C'est justement ce qui grossissait l'auditoire. On venait ouïr là, de la bouche des femmes, ce qu'aucune n'osa dire jamais.
    Le ridicule, ainsi que l'odieux, allaient croissant. Le peu qu'on leur soufflait de latin, elles le disaient tout de travers. Le public trouvait que les diables n'avaient pas fait leur quatrième . Les Capucins, sans se déconcerter,dirent que, si ces démons étaient faibles en latin, ils parlaient à merveille l'iroquois, le topinambour.
    La farce ignoble, vue de soixante lieues, de Saint-Germain, du Louvre, apparaissait miraculeuse, effrayante et terrible. La cour admirait et tremblait. Richelieu (sans doute pour plaire) fit une chose lâche. Il fit payer les exorcistes, payer les religieuses.
    Une si haute faveur exalta la cabale et la rendit tout à fait folle. Après les paroles insensées vinrent les actes honteux. Les exorcistes, sous prétexte de la fatigue des nonnes, les firent promener hors de la ville, les promenèrent eux-mêmes. Et l'une d'elles en revint enceinte. L'apparence du moins était telle. Au cinquième ou sixième mois, tout disparut, et le démon qui était en elle avoua la malice qu'il avait eue de calomnier la pauvre religieuse par cette illusion de grossesse. C'est l'historien de Louviers qui nous apprend cette histoire de Loudun (Esprit, p. 135).
    On assure que le père Joseph vint secrètement, mais vit l'affaire perdue, et s'en tira sans bruit. Les Jésuites vinrent aussi, exorcisèrent, firent peu de chose, flairèrent l'opinion, se dérobèrent aussi.
    Mais les moines, les Capucins, étaient si engagés, qu'il ne leur restait plus qu'à se sauver par la terreur. Ils tendirent des piéges perfides au courageux bailli, à la baillive, voulant les faire périr, éteindre la future réaction de la justice. Enfin ils pressèrent la commission d'expédier Grandier. Les choses ne pouvaient plus aller. Les nonnes même leur échappaient. Après cette terrible orgie de fureurs sensuelles et de cris impudiquespour faire couler le

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