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Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Titel: Histoire De France 1618-1661 Volume 14 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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événement énorme, d'une portée qui n'a jamais été sentie jusqu'ici.
    Examinons. En 1635, à la rupture, lorsque l'ambassadeur d'Espagne, Mirabel, partit de Paris, où resta le foyer de l'intrigue espagnole? Aux Carmélites de la rue Saint-Jacques. «C'est alors, dit Laporte, valet de chambre de la reine, qu'elle renoua correspondance avec son frère Philippe IV.» Elle écrivait dans ce couvent.
    Cette colonie de Carmélites avait été, sous Henri IV, une vraie invasion espagnole. On a vu leur entrée triomphale à Paris sous les auspices des Guises. Ellesétablirent rue Saint-Jacques leur dévot ermitage, leur désert extatique, au lieu le plus peuplé et sur la grande route du Midi, la plus fréquentée de France. Ce fut un autre Escurial à un quart d'heure du Louvre.
    Nous devons à M. Cousin de connaître les pieuses origines de ces solitaires [11] . Il est heureux. Au revers du critique qui croyait dénicher des saints, il a trouvé, rétabli dans leur niche, je ne sais combien de saintes, acceptant de confiance ce que les religieuses elles-mêmesont écrit de leur propre sainteté, leur donnant la publicité de ses livres charmants, écrits sur les femmes et pour elles.
    Moi, je suis moins heureux. Sur ma route, je vois sortir de là d'étranges réputations, la Fargis, par exemple. J'y vois que les saintes elles-mêmes, fort occupées du monde, mirent toute leur ferveur à avancer les affaires de l'Espagne.
    Richelieu y avait l'œil. Il avait cru se donner une prise sur l'ordre en se faisant nommer protecteur desCarmélites, et sur la maison de Paris en lui donnant pour supérieure une de ses parentes. Parente ou non, elle était femme, et, comme telle, dans la ligue universelle des femmes contre Richelieu. La reine trouva là une sûreté qu'elle n'avait nulle part. Elle put y écrire tout le jour à son aise. Elle put y voir à la grille qui elle voulait, des inconnus, de faux pauvres, les agents que Mirabel envoyait de Bruxelles, le lord papiste Montaigu; un joli cavalier aussi, qui, dans ses grandes crises, lui venait à propos pour lui donner courage. Le cavalier n'était autre que la Chevreuse, qui vint parfois de son exil, faisant trente lieues en une nuit.
    Entrait-on dans ce monastère? Un passage curieux de mademoiselle de Montpensier nous apprend que les couvents de fondation royale n'avaient point de clôture pour les officiers des princesses. Elle-même, à douze ans, entrant dans un monastère, tous les hommes de sa suite y entraient sans difficulté.
    Que pouvait-elle donc tant écrire, n'entrant pas au conseil et tenue hors des affaires? La réponse n'est pas difficile. Le couvent, mêlé de noblesse, de bourgeoisie ligueuse, et visité par tant de gens, était un grand centre d'informations. Et plus directement encore, la reine, par mademoiselle de Hautefort, savait chaque matin ce que le roi avait dit le soir. Plus d'un secret d'État pouvait, par cette voie, aller droit à Madrid.
    Il faut bien se rappeler la situation. L'Espagne épuisée se voyait faire la guerre par la France épuisée. À chaque année, elle espérait que Richelieu n'en pourraitplus, serait tari, fini. Elle le crut en 1636, où, faute d'argent, il ne put refaire à temps son armée du Rhin et du Nord. La violente dictature des intendants, qu'il mit partout alors, lui donna des ressources, mais à l'instant provoqua des révoltes. L'Espagne comptait là-dessus, le guettait, l'attendait.
    Mais les temps étaient bien changés. Les révoltes, isolées, partielles et sans concert, ne rappelaient en rien la Ligue. Les insurrections de paysans qui éclatèrent ici et là en 1638, la sournoise résistance (de bourgeoisie surtout) qui se fit sous forme religieuse et s'appela le jansénisme, n'auraient pas fait grand chose. L'homme tant détesté n'en fût pas moins resté fort et haut dans l'opinion. On voyait sa terrible route à travers tant d'obstacles, et les résultats (médiocres au fond) qu'il obtenait étaient loués avec raison pour la grandeur de volonté, l'invincibilité que l'on sentait en lui. Mais voici qu'un matin, sous forme littéraire, sans pouvoir être arrêté, réprimé, un coup moral inattendu lui est porté par la main d'un enfant, la main innocente et aveugle du bonhomme Corneille. Coup oblique, indirect, qui entra d'autant mieux. Tout fut changé, et le public, et peut-être Richelieu lui-même. Il ne s'en est jamais relevé. Il faut dire que ce coup fut asséné au jour le plus critique, en

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