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Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Titel: Histoire De France 1618-1661 Volume 14 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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sang humain, deux ou trois défaillirent, se prirent en dégoût, en horreur; elles se vomissaient elles-mêmes. Malgré le sort affreux qu'elles avaient à attendre si elles parlaient, malgré la certitude de finir dans une basse-fosse (c'était l'usage encore, voir Mabillon), elles dirent dans l'église qu'elles étaient damnées, qu'elles avaient joué le Diable, que Grandier était innocent.
    Elles se perdirent mais n'arrêtèrent rien. Une réclamation générale de la ville au roi n'arrêta rien. On condamna Grandier à être brûlé (18 août 1634). Telle était la rage de ses ennemis, qu'avant le bûcher ils exigèrent, pour la seconde fois, qu'on lui plantât partout l'aiguille pour chercher la marque du Diable. Un des juges eût voulu qu'on lui arrachât même les ongles, mais le chirurgien refusa.
    On craignait l'échafaud, les dernières paroles du patient. Comme on avait trouvé dans ses papiers un écrit contre le célibat des prêtres, ceux qui le disaient sorcier le croyaient eux-mêmes esprit fort. On se souvenait des paroles hardies que les martyrs de la libre pensée avaient lancées contre leurs juges, on se rappelait le mot suprême de Bruno, la bravade de Vanini. On composa avec Grandier. On lui dit que, s'il était sage, on lui sauverait la flamme, qu'on l'étranglerait préalablement. Le faible prêtre, homme de chair, donna encore ceci à la chair, et promit de ne point parler. Il ne dit rien sur le chemin et rien sur l'échafaud. Quand on le vit bien lié au poteau, toute chose prête, et le feu disposé pour l'envelopper brusquement de flamme et de fumée, un moine, son propre confesseur, sansattendre le bourreau, mit le feu au bûcher. Le patient, enragé, n'eut que le temps de dire: «Ah! vous m'avez trompé!» Mais les tourbillons s'élevèrent et la fournaise de douleurs... On n'entendit plus que des cris.
    Richelieu, dans ses Mémoires, parle peu de cette affaire et avec une honte visible. Il fait entendre qu'il suivit les rapports qui lui vinrent, la voix de l'opinion. Il n'en avait pas moins, en soudoyant les exorcistes, en lâchant bride aux Capucins, en les laissant triompher par la France, encouragé, tenté la fourberie. Gauffridi, renouvelé par Grandier, va reparaître encore plus sale dans l'affaire de Louviers.
    C'est justement en 1634 que les diables, chassés de Poitou, passent en Normandie, copiant, recopiant leurs sottises de la Sainte-Baume, sans invention et sans talent, sans imagination. Le furieux Léviathan de Provence, contrefait à Loudun, perd son aiguillon du Midi, et ne se tire d'affaire qu'en faisant parler couramment aux vierges les langues de Sodome. Hélas! tout à l'heure, à Louviers, il perd son audace même; il prend la pesanteur du Nord, et devient un pauvre d'esprit. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE X
LES CARMÉLITES—SUCCÈS DU CID
1636-1637
    Nous ne sortons pas des couvents ni du surnaturel. L'histoire de ce temps va de miracle en miracle. Au cloître se fait et se défait par voie occulte le nœud brouillé des plus grands intérêts. Le fil qu'une politique savante croit diriger aux cabinets des princes , une main ignorante de femme le coupe en se jouant. Richelieu propose; la Vierge dispose. Tous les calculs du Palais-Cardinal sont bafoués par le Val-de-Grâce.
    Un mot d'avance qui contient tout, qui enveloppe le siècle même.
    La question du siècle, c'est le mariage espagnol, redouté d'Henri IV, accompli par sa femme, presquebrisé par Richelieu. À l'intérieur, à l'extérieur, Richelieu sue à combattre l'Espagne et la maison d'Autriche. Mais, malgré lui, le mariage espagnol porte décidément son fruit. Une grossesse miraculeuse met dans le trône de France le sang de Charles-Quint, Dieudonné , ou Louis XIV, lequel ne combattra l'Espagne que pour prendre son rôle et la continuer par la ruine de la Hollande et de la France protestante.
    C'est la victoire d'un mort sur un vivant, celle de l'Espagne sur la France; l'esprit espagnol, en un siècle, mène celle-ci à sa mutilation et à sa banqueroute de trois milliards.
    Est-ce à dire que ce mort, ce blême et faible revenant, ait eu directement cette victoire sur les puissances de la vie? Non, l'Espagne n'aurait pas eu prise si la France elle-même ne s'était ouverte et livrée par l'admiration de cette vieille ruine, employant la vivacité d'un réveil de génie à relever l'Espagne dans l'opinion. Il y fallut Corneille, il y fallut le Cid et son succès national;

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