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Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Titel: Histoire De France 1618-1661 Volume 14 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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intermittente, quelques pointes brillantes, et des rechutes pour cause d'épuisement. On ne pouvait avoir une armée vraiment permanente.
    Cela est frappant en 1629, quand Richelieu finit l'affaire des huguenots; mais, celle d'Italie restant en pleine crise, il licencie trente régiments pour en lever d'autres six mois après. De même en 1636, il licencie sept régiments en janvier «pour les refaire en juin.» Économie de cinq mois, forcée peut-être, maisqui faillit perdre la France; en juillet, rien n'était refait, et l'ennemi arriva à vingt lieues de Paris.
    La souffrance du grand homme d'affaires qui menait cette machine poussive à mouvements saccadés devait être cruelle. Et l'on comprend très-bien qu'il fût toujours malade. L'insuffisance des ressources, l'effort continuel pour inventer un argent impossible, d'autre part, l'intrigue de cour et je ne sais combien de pointes d'invisibles insectes dont il était piqué, c'était de quoi le tenir dans une agitation terrible. Mais ce n'était pas assez encore; vingt autres diables hantaient cette âme inquiète, comme un grand logis ravagé, la guerre des femmes, la galanterie tardive, plus la théologie et la rage d'écrire, de faire des vers, des tragédies!
    Quelle tragédie plus sombre que sa personne même! Auprès, Macbeth est gai. Et il avait des accès de violence où ses furies intérieures l'eussent étranglé, s'il n'eût, comme Hamlet, massacré ses tapisseries à coups de poignard. Le plus souvent il ravalait le fiel et la fureur, couvrait tout de respect, de décence ecclésiastique.
    L'impuissance, la passion rentrée, s'en prenaient à son corps; le fer rouge lui brûlait au ventre, lui exaspérait la vessie, et il était près de la mort.
    Son plus grand mal encore était le roi, qui, d'un moment à l'autre, pouvait lui échapper. L'Espagne, la cour, attendaient la mort de Louis XIII. Sa femme, son frère, chaque matin, regardaient son visage et espéraient. Valétudinaire à vingt-huit ans, fiévreux, sujet à des abcès qui faillirent l'emporter en 1630, il avait beau se dire en vie, agir parfois et montrer ducourage, on soutenait qu'il était mort, du moins qu'il ne s'en fallait guère.
    C'était un curieux mariage de deux malades. Le roi aurait cru le royaume perdu, si Richelieu lui eût manqué. Et Richelieu savait que, le roi mort, il n'avait pas deux jours à vivre. Haï tellement, surtout du frère du roi, il devait s'arranger pour mourir avec Louis XIII. Et c'est par là peut-être qu'il plaisait le plus au roi, triste, défiant et malveillant, et qui ne l'aimait guère, mais qui toujours pouvait se dire: «Si je meurs, cet homme est pendu.»
    Cette double chance de mort où ses ennemis avaient leur espoir fut justement ce qui le rendit fort et terrible. Il avait des moments où il parlait et agissait comme en présence de la mort; et alors le sublime, qu'il cherche si laborieusement ailleurs, arrivait de lui-même.
    Il y touche, en réalité, dans tels passages de l'allocution qu'il tint au roi au retour de La Rochelle, par-devant ses ennemis, la reine mère et le confesseur du roi, le doucereux Jésuite Suffren.
    Il y dit tout, sa situation vraie, ce qu'il a fait et ce qu'il a reçu, ce qu'il possède, ce qu'il a refusé. Il a de patrimoine vingt-cinq mille livres de rente, et le roi lui a donné six abbayes. Il est obligé à de grandes dépenses, surtout pour payer des gardes, étant entouré de poignards. Il a refusé vingt mille écus de pension, refusé les appointements de l'amirauté (40,000 francs), refusé un droit d'amiral (cent mille écus), refusé un million que les financiers lui offraient pour ne pas être poursuivis.
    Il demande sa retraite, non définitive, mais momentanée; on le rappellera plus tard, s'il est encore vivant et si on a besoin de lui. Il explique très-bien qu'il est en grand danger, et qu'il a besoin de se mettre quelque temps à couvert. Veut-il se rendre nécessaire, se constater indispensable, et s'assurer d'autant mieux le pouvoir? Si son but est tel, on doit dire qu'étrange est la méthode, bien téméraire. Il parle avec la franchise d'un homme qui n'a rien à ménager. Il ose donner à son maître, peut-être comme dernier service, l'énumération des défauts dont le roi doit se corriger. Et ce n'est pas là une de ces satires flatteuses où l'on montre un petit défaut, une ombre, un repoussoir habile pour faire valoir les beautés du portrait. Non, c'est un jugement ferme et dur, fort

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