Histoire De France 1618-1661 Volume 14
étudié, comme d'un La Bruyère, d'un Saint-Simon qui fouillerait à fond ce caractère cent ans après, un jugement des morts, et par un mort. Promptitude et légèreté, soupçons et jalousie, nulle assiduité, peu d'application aux grandes choses, aversions irréfléchies, oubli des services et ingratitude. Il n'y manque pas un trait.
La reine mère dut frémir d'indignation, et aussi de terreur peut-être, sentant que l'homme qui osait une telle chose oserait tout; et que, si ferme du haut de la mort, il comptait peu la mort des autres.
Le Jésuite dut tomber à la renverse, s'abîmer dans le silence et l'humilité.
Le roi sentit cela, et le reçut comme parole testamentaire d'un malade à un malade, et d'un mourant à un mourant.
Richelieu, prié, supplié, resta au ministère. Il étaitdifficile qu'il se retirât en pleine crise. La guerre des huguenots durait en Languedoc, et la guerre d'Italie s'ouvrait.
Richelieu, appelé par le pape, autant que par le duc de Mantoue, avait là une belle chance qui pouvait le sortir de tous ses embarras. Vainqueur de La Rochelle, s'il sauvait l'Italie, il devait espérer que le pape le nommerait en France légat à vie, comme l'avaient été Wolsey et Georges d'Amboise. Vrais rois et plus que rois, puisqu'ils unirent les deux puissances, temporelle et spirituelle.
Les concessions énormes que le pape avait faites sur les biens ecclésiastiques à l'Espagne, à la Bavière, à l'Autriche, qui en usait si mal et qui allait lâcher ses bandes en Italie, les refuserait-il à celui qui venait le défendre de l'invasion des barbares? Ces bandes, menées par leurs soldats, n'auraient pas plus ménagé Rome que celles du luthérien Frondsberg et du connétable de Bourbon.
La grande question du monde alors était celle des biens ecclésiastiques. L'événement de l'Allemagne, cette année, c'est l' Édit de restitution , qui les transmet partout des protestants aux catholiques. En France, le clergé, le seul riche, ne donnait presque rien. En viendrait-on à le faire financer malgré le pape ou par le pape? C'était tout le problème.
Richelieu, très-probablement, en 1626, eut la première idée. Mais, en 1629, les circonstances changées l'amenèrent à la seconde.
Il délaissa brusquement la politique gallicane qu'il avait suivie dans la grande ordonnance que son gardedes sceaux, Marillac, avait compilée de toutes les ordonnances gallicanes du XVI e siècle.
C'est une question débattue de savoir si Richelieu, qui abandonna cette ordonnance en 1629, l'avait conçue et provoquée en 1627. Je le croirais. Il ne ménageait guère le pape alors. Il n'excepta point le nonce de la défense générale faite aux particuliers de visiter les ambassadeurs. Le nonce en jeta les hauts cris; c'était la première fois qu'on défendait aux prêtres de communiquer avec l'homme du pape.
Notez que l'auteur de l'ordonnance, le garde des sceaux, Marillac, et son frère, depuis ennemis de Richelieu, étaient ses créatures, et alors ses agents, à ce point que le frère fut chargé de l'affaire qui lui importait le plus, la digue de la Rochelle. On ne peut guère admettre que Marillac ait fait à cette époque une si importante ordonnance à l'insu ou contre le gré de son protecteur Richelieu.
Cette ordonnance aurait été une grande révolution. Elle fait pour les curés justement ce que fit l'Assemblée constituante; elle dote le bas clergé aux dépens du haut. Elle entreprend de couper court à l'herbe fatale et stérile qui germait partout, d'arrêter l'extension des couvents, la multiplication des moines. On réforme les monastères. On désarme le clergé en lui défendant de procéder par censures contre les juges laïques. On ordonne aux juges d'église de procéder en français.
Dans un acte du même temps, Richelieu, sans oser retirer au clergé les registres de morts, naissances et mariages, lui adjoint des contrôleurs laïques,qui, de leur côté, publieront les bans à la porte des églises.
Que devait attendre Richelieu de son ordonnance gallicane [5] ? Qu'apparemment les gallicans, pleins d'enthousiasme, les parlementaires saisis de reconnaissance, se déclareraient pour lui, et qu'à la faveur de ce beau mouvement il entrerait aux Hespérides qui avaient fait tout le rêve du XVI e siècle, la participation de l'État aux biens ecclésiastiques.
Mais, en réformant le clergé, il entreprenait aussi de réformer la justice. Opposition des parlements. Résistance des
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