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Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Titel: Histoire De France 1618-1661 Volume 14 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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arranger dans l'intérêt public. Il ne lui restait plus qu'à s'acquitter de la grande et commune fonction humaine. Il s'en tira fort honorablement, mourut d'une manière conséquente à sa vie, en théologien catholique et en controversiste, faisant honneur à ses livres (qu'il aimait plus que chose au monde) par la fermeté de sa foi. Assisté du curé de Saint-Eustache, qui l'engageait à pardonner à ses ennemis, il dit cette parole noble et, je crois, vraie: «Je n'en eus pas d'autres que les ennemis de l'État.»
    Que ses actes le jugent. Ne nous amusons pas à ces portraits où, pour concentrer les grands traits , on fait abstraction des détails nombreux et complexes où est justement la vie propre, l'intime individu. Encore moins nous jetterons-nous dans les vagues comparaisons qui obscurcissent en voulant éclaircir. Richelieu, quoiqu'on l'ai tant dit, ne ressemble guère à Louis XI. Et combien moins au dernier roi de France qu'on appelle la Convention!
    Qu'il ait eu un génie systématique et centralisateur, cela est vrai. Moins pourtant qu'on n'a dit, car ce qu'il fit de plus grand dans ce sens (la création des intendants ), cela, dis-je, se fit le lendemain de l'invasion, sous l'empire d'un besoin pressant, non d'après une idée préméditée. Celle-ci même était contraire à celle que Richelieu essayait de faire prévaloir depuis plusieurs années (la levée de l'impôt par les élus ).
    En cela, comme en bien d'autres choses, il fit toute autre chose que ce qu'il avait projeté. Mais la grandeur visible de son âme et de sa forte volonté, l'immensité de son labeur, la dignité sinistre de sa fière attitude, couvraient, sauvaient les sinuosités, les misères infinies de ces contradictions fatales.
    Le premier homme d'un mauvais temps ne peut guère être que mauvais. En celui-ci, il y eut des laideurs, des caricatures, le prêtre cavalier, les ridicules d'un pédant de Sorbonne, d'un rimeur pitoyable; plus, des échappées libertines, communes chez les prélats d'alors, mais plus choquantes dans un homme d'un si terrible sérieux.
    Il eut des âcretés de prêtre. Il eut, comme politique,des furies de joueur acharné à gagner quand même , qui met sa vie sur une carte, la vie des autres aussi. Et cependant fut-il vraiment cruel? Rien ne l'indique. Les quarante condamnés qui périrent sous lui, en vingt ans, furent mal jugés sans doute (comme on l'était alors, par des commissions), mais n'en étaient pas moins coupables, et la plupart étaient des traîtres qui nous livraient à l'étranger.
    Il ne pardonna guère. Mais il n'eût pardonné qu'aux dépens de la France.
    Il aimait fort ceux qu'il aimait. Il n'oublia jamais un bienfait, et il n'y eut jamais un meilleur ami. Même à l'égard de ceux qu'il n'aimait pas, il essayait parfois de se dominer à force de justice. Fontenelle cite de lui un fait très-beau et curieux.
    Richelieu, comme auteur, avait une misérable jalousie de Corneille, et, comme politique (on l'a vu), il avait reçu de lui, au jour de ses revers, le plus sensible coup, l'Espagne glorifiée par le Cid .
    Toutes les pièces de Corneille semblaient des dénonciations indirectes de guerre au tout-puissant ministre. Il le pensionnait cependant et le recevait même. Un jour, il le voit arriver d'un air fort abattu, triste, rêveur. «Vous travaillez, Corneille?—Hélas! je ne puis plus, monseigneur. Je suis amoureux.» Et il explique qu'il aime, mais une personne si haut, si haut placée, qu'il n'a aucun espoir. «Et qui encore?—La fille d'un lieutenant général (des finances) de la ville d'Andely.»
    «N'est-ce que cela?» dit Richelieu. C'était justement le moment où l'on venait de jouer Cinna . Richelieuprit l'âme d'Auguste. Il fit écrire au père de venir sur l'heure à Paris. Le bonhomme, étonné, effrayé, se présente. Et le ministre lui fait honte de refuser sa fille au grand Corneille. Celui-ci fut marié de la main de son ennemi.
    Il mourut tellement redouté, qu'on n'osait nulle part dire qu'il fût mort, même dans les pays étrangers (Monglat). On aurait craint que, par dépit, par un terrible effort de volonté, il ne s'avisât de revenir.
    Le roi le haïssait. Et il eut même, à sa dernière visite où Richelieu mourant lui renouvela le don du Palais-Cardinal, l'indignité de s'en emparer sur-le-champ et d'y mettre ses gardes. Et, avec tout cela, il lui obéit de point en point après sa mort, refusant tout aux prisonniers, aux exilés, si durement,

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