Histoire De France 1618-1661 Volume 14
nous émouvoir, une révolution sans issue, sans résultat possible, dont la stérilité confirma la France dans l'amour du repos quand même , la résignation à la mort, que dis-je? l'amour pour la mort même et pour l'anéantissement. Rien autre chose qu'une répétition un peu vive de ladanse éternelle, du triste menuet, que le Parlement exécute devant la royauté, s'avançant deux pas, reculant de trois, enfin tournant le dos.
Le Parlement, sans bien sans rendre compte, trahit le peuple, lui-même amusé et trahi par ses chefs, le président Molé, et le très-remuant, très-brouillon Retz, coadjuteur de l'archevêque de Paris. Le vieux Molé, mené par ses enfants, jouait sa compagnie en parlant fort et haut pour elle, mais, en toute chose grave, suivant l'intérêt de la cour.
Mazarin attendait l'armée. Après un petit essai de violence qui ne réussit pas, il sentit qu'il n'y avait rien à faire qu'à mentir et plier, gagner du temps. La reine eut beau pleurer tout une nuit. Il céda, toléra l'arrêt d' union , permit aux compagnies de s'assembler, de réformer l'État.
Le pouvaient-elles réellement? Une constitution, bâtie en l'air, sans base (ni élection, ni jury, etc.), écrite sur le sable par des gens qui avaient acheté leurs charges, serait-elle sérieuse?
Ils y écrivirent, il est vrai, les deux garanties principales, celle de la personne (nul arrêté sans être interrogé dans les vingt-quatre heures); celle des biens , nul impôt sans vérification parlementaire.
Mais, même dans les choses bonnes, leur incapacité parut. En vertu du dernier article, ils firent précisément ce que désirait Mazarin, annulèrent ses traités avec les financiers. La cour n'osait faire la banqueroute. Le Parlement la fait pour elle, la sanctifie, la canonise par le grand mot de bien public. Mazarin avait emprunté à tout le monde, et ne pouvait ni nevoulait payer. Le Parlement, tête baissée, se jette sur les financiers, sans voir que derrière eux se trouve la masse des petites gens qui, par leurs mains, ont prêté à l'État. Dispense de les rembourser. Bref, le gouvernement est libéré, et la reine, plus douce, commence à croire qu'il y a quelque bien dans la révolution.
Une autre faute insigne du Parlement, c'est de vouloir supprimer les intendants , la grande création du dernier règne. Ces rois commis, il est vrai, étaient lourds, et, sous Mazarin, aussi voleurs que leur maître. Cependant, en les supprimant, qui eût pris le pouvoir? Les gouverneurs de provinces, les vieilles puissances féodales qu'avait écrasées Richelieu.
Avec quelques concessions, Mazarin endormait le Parlement, quand la question suprême fut précisée, formulée par le vieux conseiller Broussel: 1 o remise au peuple d'un quart des tailles ; 2 o l' intérêt de tous les parlements mêlé , et soutenu par le Parlement de Paris; refus de celui-ci d'être seul garanti pour la possession de ses charges (4 août 1648).
La ruse était vaincue par la sincérité. Mazarin fit le mort. Il attendit son salut de l'armée. Quoiqu'il fût mal avec Condé, une victoire de Condé le relevait. On pouvait l'espérer. Car l'Espagne, accablée par ses quatre révolutions (Portugal, Catalogne, Naples, Sicile), obligée de faire face de tous côtés, n'avait pas grande force en Flandre. L'archiduc, étant sans argent, sans vivres, sans munitions, fut lent à se mouvoir. Condé put faire une marche hasardeuse en défilant par les marais; il eut le temps de faire six lieues de circonvallation pour prendre une ville. L'archiduc cependant,lui ayant pris Lens, l'avait obligé (19 août) à une retraite difficile qui fut près d'être une déroute. Le 20, il l'attaqua. Condé certainement était prié, pressé par la cour de livrer bataille. Voyant les Espagnols quitter leur bonne position et venir à lui, il hasarda de faire ce que fit le roi de Suède à Lutzen; il commanda aux Français de recevoir le feu et de ne pas donner à l'ennemi le temps de recharger. Notre infanterie égala la suédoise. La première lignée fut rompue. Lui-même attaqua la seconde dix fois de suite, et fut admirable de valeur et de présence d'esprit. Victoire complète, cinq mille prisonniers, trois mille morts.
La reine, ivre de joie, ayant reçu soixante-treize drapeaux espagnols, ne daigna plus rien ménager et se moqua des peurs de Mazarin. Celui-ci voulut toutefois que, si on se jetait dans les hasards de violence, on ne le fît que sur l'avis de l'homme
Weitere Kostenlose Bücher