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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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se voyait arrêté court. Les dames surtout, les dames ne l'eussent jamais supporté. Si l'homme pouvait vivre noblement gueux, joueur ou parasite en pêchant des dîners, la femme qui avait pris un si grand vol, gonflée dans son ballon royal, ne pouvait aplatir ses prétentions. Elle dénonça ses volontés, et dit fermement: «Soyez riches!»
    On se précipita. On prit pour guide, pour maître (non, pour Dieu) un grand joueur, heureux, et qui gagnait toujours à tous les jeux, aux amours, aux duels. Personnalité magnifique d'un brillant magicien qui, autant qu'il voulait, gagnait, mais dédaignait l'argent, enseignait le mépris de l'or.
    Toute l'Europe était alors malade de la fièvre de la spéculation. C'est bien à tort que les autres nations font les fières, se moquent de nous, nous reprochent avec dérision la folie du Système . Chez elles il y eut folie, mais la folie ne fut pas amusante. Il n'y eut ni esprit ni système. Il y eut simplement avarice.
    Par trois et quatre fois l'Angleterre, la grave Hollande, eurent des accès pareils. Mais, sous forme analogue, l'idée, le but étaient contraires. Que veulent-ils en gagnant? amasser. Le Français dépenser, vivre de vie galante, d'amusement, de société.
    Ajoutez le jeu pour le jeu, le piquant du combat, lajoie de cette escrime, la vanité de dire: «J'ai du bonheur, j'ai de la chance. Je suis le fils de la Fortune. C'est mon lot! Je suis né coiffé! »
    Si quelqu'un eut droit de le dire, ce fut Law, à coup sûr. Il fut beaucoup plus beau qu'il n'est séant à l'homme de l'être: élégant, délicat, de la molle beauté qui allait à ce temps où les femmes disposaient de tout. C'est pour elles certainement, pour la foule des belles joueuses qui raffolaient de lui, qu'on a fait son premier portrait ( Bibl. imp. ). Il n'a encore qu'un titre inférieur, conseiller du roi , il est dans ses débuts, sa période ascendante. Il est l'aurore et l'espérance, la Fortune elle-même, sous un aspect très-féminin, avec ses promesses et ses songes de plaisirs et de vices aimables.
    Image, en conscience, indécente, le cou nu, la poitrine nue, combinée pour flatter l'amour viril, les penchants masculins de ces bacchantes effrénées de la Bourse, qui sait? pour les précipiter à l'achat des Actions?
    Heureusement, il était bien gardé. Par une très-obscure aventure, après certains duels qui le firent condamner à mort, le trop heureux joueur avait gagné là-bas une fort belle Anglaise, que certains disaient mariée. Il l'appelait madame Law, lui rendait tout respect et en avait des enfants. Cette beauté avait la singularité d'offrir à la fois deux personnes; son visage, charmant d'un côté, montrait sur l'autre un signe, une tache de vin. Le contraste, quelque peu choquant, avait cependant au total quelque chose de saisissant qui rendait curieux, lui donnait les effets d'un songe,d'une énigme qu'on aurait voulu deviner. Qu'était-elle? le Sphinx? ou le Sort?
    Les Écossais sont souvent de deux races (exemple Walter Scott). Law, né à Édimbourg, dans la positive Écosse des Basses terres, eut, par-dessus, le génie de la Haute, superbe et désintéressé, l'imagination gaélique. Avec un don étrange de rapide calcul (qu'il tenait de son père, banquier), une infaillibilité de jeu non démentie, le pouvoir d'être riche, il n'estimait rien que l'idée. Il était visiblement né poète et grand seigneur. Par sa mère, disait-on, il descendait du Lord des Îles . Il fut l'Ossian de la banque.
    Rien, selon moi, ne dut agir plus fortement sur Law que deux spectacles qu'il eut fort jeune:
    La matérialité de la vieille Angleterre sous Guillaume, la bizarre crise monétaire qu'elle eut alors. La monnaie s'étant retirée, se cachant, on se crut perdu. Le commerce, un moment, fut dans le désespoir. On inventa heureusement une machine rapide pour frapper la monnaie nouvelle. Cette machine, à chaque ville, reçue comme un ange du ciel, y entrait en triomphe, au son des cloches. On ne savait quel accueil faire aux ouvriers secourables qui venaient donner le salut.
    Et en même temps, il vit en Hollande l'immatérielle puissance du crédit , du papier, du billet, qu'imita l'Angleterre ensuite. Sans billets même, les affaires se faisaient avec quelques chiffres, par un simple virement de parties sur les registres. Chacun étant tout à la fois créancier, débiteur, réglait facilement par un petit calcul et le solde de la différence. On n'était pas

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