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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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deux grands gouvernements (Languedoc et Guyenne), il était tellement mou, bas, faible, poule mouillée, qu'on était sûr qu'il lâcherait tout au premier mot, se laisserait dépouiller, si l'on voulait, saigner comme un poulet. Mais on n'avait pas même à craindre d'avoir cette peine. Il était sûr qu'il s'évanouirait, disparaîtrait au premier mot.

Restait un point qui peut sembler comique; mais en réalité essentiel et de haut mystère. Si haut que Saint-Simon n'ose rien dire ici, et tire habilement le rideau. Soyons aussi discrets, modérés, convenables; s'il en faut parler, parlons bas.
    Ce qui restait de douteux et de grave, c'était la volonté du Roi.
    Le Roi avait huit ans. Idolâtré au point où nul roi ne le fut jamais, maladif, entouré de tant de soins, de tant de craintes, se sentant si précieux, le pointde mire et le centre d'un monde, il était déjà étonnamment sec, froid, muet, dédaigneux, indifférent à tout, et bientôt l'idéal de l'égoïsme malveillant. Il n'aimait rien, personne, ni Villeroi, ni le duc du Maine. Et pourtant, si l'affaire eût transpiré d'avance, on eût pu faire agir l'enfant d'une manière bien dangereuse. Villeroi l'aurait aisément effrayé de la révolution qu'on préparait, du bouleversement des Tuileries, de l'arrivée de M. le Duc, une figure qui faisait peur. Sans nul doute il aurait pleuré. Quel beau coup de théâtre on eût vu, si, en plein Parlement, quand on lui eut demandé sa volonté, au lieu d'une muette inclinaison de tête, il avait prononcé un Non! Presque tous l'auraient appuyé, et plus qu'aucun, Villars. Grande scène d'effet miraculeux. La voix de ce petit Joas aurait paru celle d'en haut. Villeroi sanglotant aurait fait Josabeth, et Villars le fidèle Abner. Orléans risquait fort de rester Athalie.
    Le secret, l'imprévu, la surprise, ici, c'était tout. Elle était difficile. Villeroi couchait dans la chambre du roi, et le duc du Maine dessous. Le fils de Villeroi, capitaine des gardes, était dans les Tuileries. Or c'était aux Tuileries même (et non au Parlement) que devait se faire le Lit de justice. On ne tendit la salle que le matin même à six heures, avec si peu de bruit, que Villeroi, à huit, n'avait rien entendu.
    Le Conseil de Régence s'assembla. Mais d'avance il était dompté. Le duc du Maine, averti d'un péril (et ne sachant lequel), était déjà blanc comme linge. Il fut ravi de pouvoir s'échapper, s'enfuir chez lui. On avait charitablement averti Villeroi et Villars qu'ilspourraient bien être arrêtés. Ils en mouraient de peur. Le second, si brave à la guerre, ne craignant le fer ni le feu, avait tant peur d'un petit séjour à la Bastille, qu'en quelques jours il en maigrit.
    On croyait le Régent peu capable de résolutions violentes. Mais quand on le vit tellement d'accord avec cette sinistre figure, M. le Duc, on crut que tout était possible. Chacun baissa la tête. Tout passa sans difficulté.
    Un seul danger restait. Villeroi pouvait, s'échappant, parler au petit roi, troubler l'enfant craintif, préparer la scène de larmes qui aurait tout perdu. À cela, le Régent trouva un remède bien simple, odieux, il est vrai, ridicule. Ce fut de tenir prisonnier le Conseil de Régence. Il défendit de sortir, et quelques-uns essayant d'échapper, aidé de Saint-Simon qui lui servait de chien de garde, il se posta au seuil, se constitua sentinelle et geôlier.
    Enfin arriva le Parlement, bien morne et tête basse, en écolier qui tend la main pour les férules. Il vint à pied pour émouvoir la foule, mais le peuple ne bougea pas. Il reçut sa leçon de cet ex-lieutenant de police, d'Argenson, qu'il avait lui-même parfois tancé, censuré de si haut. Au nom du roi, il fut durement renvoyé à ses petits procès, à la poussière du greffe. Défense de s'occuper de l'État. Puis il apprit la chute des bâtards, du duc du Maine, tombé du rang de prince, réduit à son rang de pairie, dépouillé de l'Éducation. L'étonnement, l'abattement, le désespoir des meneurs, tout est, dans Saint-Simon, peint avec une joie furieuse qui, tant ridicule qu'elle soit, en plusieurs traitstouche au sublime. On voit pourtant que cet insulteur violent, haineux, du Parlement, ne connaît pas ce qu'il insulte. Ce grand corps, si mêlé, comptait d'honnêtes gens, austères de mœurs, qui applaudirent à la dégradation des enfants du double adultère. Il ne manquait pas de bons citoyens qui, malgré leurs préjugés

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