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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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quelque moyen qu'il eût de saisir la conspiration, Dubois n'osa agir. Pendant tout le mois de novembre, il les laissa s'agiter, frétiller, s'enhardir, parader dans leurs attaques étourdies au Régent. On colporte hardiment les Philippiques de Lagrange-Chancel. Le 24 novembre, on lance le brûlot d' Œdipe (dont je parlerai tout à l'heure). Les souris dansent autour du chat.
    Elles croyaient, non sans vraisemblance, qu'il était à bout de ressources, n'avait ni dents, ni griffes. Restait pourtant le grand expédient révolutionnaire, l'assignat, le papier-monnaie, imposé par la loi, par la force et par la terreur.
    Expédient qui différait fort peu de celui dont nos rois usaient et abusaient sans cesse, frappant des monnaies faibles, fausses, et forçant de les prendre pour une valeur exagérée. C'est ce que d'Argenson avait fait, en juin, honteusement et non sans peine. Un tel expédient était contraire aux principes de Law, qui, sans contester que le roi a toute puissance, enseignait qu'il n'en doit point user, qu'il ne doit s'adresser qu'à la volonté libre, à la libre foi, au crédit. Cependant, ici, appelé, imploré, il n'offrit nul autre expédient qu'une monnaie forcée de papier.
    Le roi n'aurait trompé personne. Il eût fait comme dans une place assiégée, où, pour le besoin du moment, on crée une monnaie. Il eût lancé un milliard de papier (l'employant au remboursement de la dette), sans y affecter d'intérêt, n'alléguant rien que la nécessité, la détresse de l'État, la guerre où les complots de l'Espagne obligeaient d'entrer.
    Moyen franc, violent. Rien de plus clair. La tyrannie n'y prenait point de voile. C'est justement cet excès de clarté qui déplut. L'obscurité, l'infini mystérieux de spéculations qu'un grand mouvement financier allait ouvrir, plaisaient bien autrement aux illustres voleurs, qui voulaient faire leur razzia, aux fripons qui comptaient, sous un Régent myope, à leur aise, pêcher en eau trouble.
    Ce n'était pas, dit-on à Law, ce qu'il avait promis, ce qu'on pouvait attendre de son vaste et puissant génie. Lui, grand théoricien, qui, sous Louis XIV, sous le Régent, avait obstinément offert ses théories pour relever l'État, il hésitait, quand la France à son tour se mettait à ses pieds, voulant faire sa Banque royale .
    Pourtant rien de plus naturel. Il avait proposé de sauver l'État naufragé en le recevant dans sa Banque, sa république d'actionnaires. Mais ici, au contraire, il sentait que l'État, par une fatale attraction, engloutirait sa banque, et la perdrait dans son naufrage.
    Qu'était-ce que l'État? rien que l'ancienne monarchie, non changée et incorrigible, le fantasque arbitraire, la mer d'abus, illimitée, sans fond. Nulle forme ne pouvait rassurer. Si la Banque devenait royale, que refuserait-elle aux vampires, qui, déjà sous Noailles,l'apôtre de l'économie, sous sa Chambre de justice, avaient volé sur les voleurs, qui, sous d'Argenson, grappillaient dans les misérables ressources qu'on arrachait au désespoir?
    Un homme aussi intelligent que Law ne pouvait s'aveugler sur tout cela. Il sentait que tout irait à la dérive, si le pouvoir ne se liait lui-même. Il eût voulu pour garantie ces mêmes magistrats qui naguère parlaient de le pendre. Il aurait mis la banque sous l'égide d'une sorte de gouvernement national, d'une commission de quatre Hautes Cours (Parlement, Comptes, Aides, Monnaies). C'eût été justement le Conseil de commerce que Henri IV fit en 1607. La chose eût gêné les voleurs. On dit au Régent que c'était se mettre en tutelle, que, d'ailleurs, ces robins, ignorants, routiniers, ne feraient qu'empêcher tout. À Law, on dit qu'avec un prince tellement ami il resterait le maître, que c'était l'intérêt visible du Régent de ne pas se nuire à lui-même, de ne pas détruire, par une trop grande émission, la source des richesses, de ne pas tuer sa poule aux œufs d'or.
    Au fond, Law était dans leurs mains. Il avait ici toute sa fortune. Il s'était compromis en recevant si généreusement pour sa Banque et sa Compagnie nos chiffons de Billets d'État. Il avait un pied dans l'abîme. On lui fit honte de reculer, de ne pas être un beau joueur, d'avoir fait mise et de quitter la table. L' honneur et le vertige l'entraînèrent, le précipitèrent.
    Il cède au roi sa Banque. Cet établissement, intimement lié à celui de la grande Compagnie, y trouve un appui mutuel. Les profits de change et

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