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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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cet affreux dogue, Stairs et ses dents, Law ne se rassurait que par un bouledogue qui valait l'autre pour la férocité. Il coûtait gros. Si l'on ne l'eût gorgé de minute en minute, il eût mangé son maître. M. le Duc (c'est de lui que je parle), même avant le succès de Law, en mars déjà tire de lui un million pour un petit duché qu'il lui fait acheter. En août, huit millions, par la Bourse.
    Comme le chien d'enfer, il mangeait par trois gueules. Ce n'était jamais fait. Après lui, arrivaient sa mère, sa grand'mère, son frère Charolais. En les gorgeant, on ne faisait qu'irriter l'envie, l'appétit des Contis.
    Et ce qui était effrayant, c'est que, derrière les princes, arrivait la file infinie de la mendicité d'épée ,les grands seigneurs qui daignaient protéger Law en tendant la main, les nobles et quasi-nobles, un monde de pauvres menaçants. Plus, l'armée de ses amoureuses, duchesses et comtesses et marquises, des femmes impudentes et jolies, qui personnellement le sommaient, ne lui faisaient pas grâce, exigeaient qu'on les achetât.
    Voilà les deux abîmes que Law vit béants à ses pieds. À droite, le précipice où la Maltôte et les Anglais voulaient le faire tomber. À gauche, ce gouffre de noblesse, cette bourbe profonde, la prostitution mendiante.
    On a peint plus ou moins l'extérieur du Système, mais jamais le dedans. On a été discret, prudent, respectueux. Du Hautchamp et les autres (Barbier, Marais, Buvat) sont pleins d'omissions volontaires. Le sage Forbonnais, compilateur tardif, donne les chiffres, et non les personnes. Le violent Pâris Duverney, si impétueux contre Law, dans le livre où il semble vouloir le tuer (après sa mort), a l'art de ne point voir les maîtres et tyrans de Law, ceux qui surent s'en faire un jouet. On croyait tout cela éteint et oublié, et l'on peut dire en cendres . En effet, les registres, actes, pièces, tous les monuments du Système avaient été brûlés en 1722.
    On avait établi une bonne cage de fer, de dix pieds sur huit, dans la cour de la Banque (aujourd'hui la Bibliothèque). Là tout passa aux flammes. Nul procès désormais possible.—Mais celui de l'histoire, serait-il impossible? non. Par une industrie patiente, en rapprochant des faits qui jusqu'ici neprésentent aucun sens, nous espérons refaire la Sodome pour la foudroyer.
    Ce qui a bien servi pour obscurcir la vue, faire cligner les plus clairvoyants, c'est la foule elle-même, l'amusement de ces tableaux mouvants, le va-et-vient de la rue Quincampoix. Il en reste de bonnes gravures (entre autres un beau volume hollandais, à la Bibliothèque de la Ville de Paris). On voit là le flux et reflux de cette mer, les confuses mêlées, les tournois de l'agiotage. Mais tout cela fort trouble.
    Je vais, dans cette foule, saisir quelques individus. Cela sera plus clair. Leurs vies sont instructives. C'est le petit, c'est le menu. Mais il n'y a rien de petit, pour qui cherche et qui veut comprendre. On voit alors et on distingue (parfois plus qu'on ne veut). La vie du temps s'y montre et devant et derrière, par le propre et par le malpropre, par tous les rangs mêlés et tous les métiers confondus, des balayeurs aux princes, des Holbak aux Condés. C'est ici l' âge d'or . Plus de prince et plus de valet. La fraternité du ruisseau.
    Le balayeur. Il y avait dans la boutique d'un changeur un bon gros Allemand, qui s'appelait Holbak. Il faisait les fortes besognes, remuait, portait des sacs, balayait le devant de la porte. On le croyait trop bête pour friponner. Des banquiers le prirent pour domestique. Puis, voulant un homme de paille et le plus ignorant qui ne sût que signer et signât sans comprendre, ils lui achetèrent (ce qui alors était fort peu de chose) une charge d'agent de change. Mais voilà que l'argent lui éclaircit la vue. Il vit que tout le secret était d'acheter à vil prix les titres du rentier désespéré,et de les vendre à bénéfice. Il fit cela tout comme un autre, et mieux. Car il réalisa à temps, et envoya tout en Allemagne.
    Le laquais. Les Anglais, qui, sans paraître, sournoisement travaillaient à la baisse, devaient vendre des actions par un agent à eux. Il se trouva malade, mais il avait un domestique de confiance, son laquais Languedoc. Il l'y envoie. Languedoc doit vendre au cours du jour, 8,000 livres par action. Mais il voit qu'elles montent. En homme intelligent, il attend, vend à dix mille livres, garde pour lui la différence qui

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