Histoire De France 1715-1723 Volume 17
l'acceptation de l' Unigenitus par nos évêques opposants. Ce 3 avril, c'est le jour même où le plan de Blount devient loi, le jour d'où la hausse de Londres va précipiter notre baisse. C'est la veille de l'exécution de Nantes, où l'on coupe le cou aux insurgés bretons (4 avril 1720).
Il faut avouer que Dubois avait bien préparé son succès ecclésiastique. D'abord il avait su ignorer, ne rien voir du renouvellement de la persécution des protestantsdans le Midi. Les curés reprirent dans toute sa force leur atroce police des nouveaux convertis. Certains revinrent aux dragonnades. Près de Mendes, un curé Mignot dragonna une fille obstinée dans sa foi. Il appela des soldats à son aide, leur fit couper des branches d'aune pliantes, cruels fouets de bois vert dont ces braves travaillèrent si bien qu'elle en mourut huit jours après.
Qui songeait à ces bagatelles dans l'entraînement du Système, au milieu de tant d'aventures? Dubois employa admirablement pour sa grandeur, pour Rome, l'absence de l'âme de la France, l'affaissement, l'ivresse effarée du Régent. Celui-ci est le valet de Dubois. Le 13 mars, il a fait venir en son Palais-Royal le faible archevêque de Paris. Là, Dubois avait réuni cinq cardinaux, six archevêques, trente évêques. Noailles, vaincu, signe enfin sa soumission, tant attendue de Rome. En échange, Dubois eut à l'instant les bulles de l'archevêché de Cambrai.
Seulement le nouveau prélat, ne sachant un mot de la messe, eut assez de peine à s'y faire. Il s'exerçait. Il en faisait, au Palais-Royal, de bouffonnes répétitions, où son étourderie, ses lapsus , ses fureurs, ses jurons parmi les prières, amusaient le Régent. L'assistance riait à mourir.
Avec un tel apôtre, Rome triomphe. On fait promettre à Law de donner des missionnaires, des Jésuites à sa colonie. On le mène à Saint-Roch communier et faire ses pâques. Il croyait répondre par là aux bruits semés dans le sot peuple, qu'il restait huguenot, qu'il était esprit fort, ne croyait pas en Dieu, etc.
Ses ennemis, par différents moyens, jouaient un jeu à le faire mettre en pièces. D'une part, le Parlement, aux jours de cherté où bouillonnaient les halles, semblait le désigner comme affameur du peuple, disant qu'il avait fait plus de mal en six mois que toute la guerre en vingt années. D'autre part, la police continuait, aggravait les enlèvements, malgré Law, contre son avis et son opposition formelle. D'Argenson, qui semblait avoir quitté la police, la gardait réellement et la faisait agir.
Law n'avait jamais compté que les paresseux flâneurs de Paris seraient de bons cultivateurs. À la Salpêtrière, il ne demanda que des filles, et en répondant de les doter. Sa Compagnie, en mars, engagea, envoya avec (outils, vivres, dépenses de la première année), d'excellents émigrants, des Suisses, des Allemands laborieux. Elle acheta même des nègres, ouvriers supérieurs pour ce climat (mai); mais elle refusa nos vagabonds ( ms. Buvat , 2, 245). Or, juste à ce moment, la police s'obstine à ignorer cela. Elle crée des enleveurs patentés, en costume éclatant ( bandouillers du Mississipi ). Pour faire plus de scandale, outre leur paye, ils ont dix francs de prime pour chaque enlevé. Cela les anime si bien qu'ils capturent, au hasard, cinq mille personnes! des servantes qui viennent s'engager à Paris, des petites filles de dix ans, des gens établis, de notables bourgeois. Ils en font tant que, dans certains quartiers, on assomme ces bandouillers. Cependant une commission du Parlement court les prisons, délivre les pauvres enlevés, s'apitoie sur leur sort, déplore la tyrannie de Law.
Persécution étrange! il a beau refuser. Tout le long de mai, jusqu'en juin, on enlève pour lui, pour lui on fait passer aux ports, on embarque des troupeaux humains.
Quel poids que la haine d'un peuple! Law ne pouvait la supporter. Il voulait à tout prix refaire sa popularité. L'horreur de sa situation n'avait fait qu'exalter ses puissances inventives. Battu sur tant de points, il s'élance dans un nouveau rêve,—celui-ci vraiment analogue à ceux de nos socialistes. La Compagnie sera le grand industriel de France, fabriquera, vendra elle-même. Supprimant les nombreux intermédiaires oisifs et parasites qui tous gagnent sur le travailleur, elle livrera directement la marchandise à très-bas prix. Déjà il avait fait un premier essai à Versailles dans sa belle colonie de neuf cents
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