Histoire De France 1715-1723 Volume 17
horlogers appelés d'Angleterre. Il en fit un nouveau dans son château de Tancarville pour la fabrique des étoffes et la confection des habits. Il avait fait venir de Flandre un habile homme, Van Robais, qui aurait habillé le peuple presque pour rien. Law voulait le nourrir lui-même. Il achète des bœufs à Poissy. Il tue, détaille, vend la viande au rabais, fait taxer les bouchers, les oblige de vendre de même.
Soins perdus. Et en même temps, il perdait le temps à dicter, faire écrire par l'abbé Tenasson une longue apologie en quatre lettres qu'on mit dans le Mercure . Mais les oreilles étaient bouchées par les grandes et terribles préoccupations de la ruine. Les ennemis de Law sentirent que tout cela ne lui servait à rien, qu'il était mûr, et qu'on pouvait frapper. Ladernière lettre est du 18. Le 21, ils saisirent le moment, et lui portèrent le coup mortel.
Il y avait vacance au conseil et au Parlement. Chacun allait un moment respirer. M. le Duc, Villars, Saint-Simon, etc., sont dans leurs terres. Il ne reste près du Régent, avec Law, que son ennemi d'Argenson, et Dubois, non moins ennemi, voué à l'Angleterre. Saint-Simon est bien étourdi, quand il dit que Dubois «fut dupe.» Il fut fripon, comme toujours. Jamais, sans son concours, d'Argenson, si prudent, heureux qu'on l'oubliât, n'aurait eu cette audace de lancer contre le Système la machine qui le mit à terre. À qui sert-elle, cette machine? À Blount et Stanhope. Elle est mise en branle de Londres, montrée par d'Argenson, mais poussée victorieusement par l'excellent anglais Dubois (La Hode, II, 84).
«La baisse allant toujours (dit d'Argenson), sans qu'on pût l'arrêter, ne valait-il pas mieux la dominer, la régler et la mesurer, par une réduction progressive des actions et des billets qui baisseraient de mois en mois jusqu'en décembre, où ils seraient réduits à peu près de moitié?»
Il est certain que beaucoup abusaient de la situation, forçaient leurs créanciers de prendre en payement de mille livres ce qui bientôt ne vaudrait que cinq cents. Le Roi même avait fait ainsi. Mais, s'il en fait l'aveu, s'il le proclame effrontément, combien il va la précipiter, cette baisse, hâter le naufrage de tant de gens qui, en faisant moins de bruit, eussent liquidé tout doucement? Ce n'était plus la baisse qu'on aurait, mais la chute subite et complète.
Quelque claire qu'elle fût, cette baisse, plusieurs ne voulaient pas la voir, disant qu'on remonterait. Il y avait des croyants obstinés, espérant contre l'espérance. Quelle fureur sera-ce et quel cri quand le Roi les démentira, détruira toute illusion, dira: «N'espérez plus.»
Law trouva le Régent bien stylé, préparé. D'Argenson proposait et Dubois appuyait. Donc Law était seul contre trois. Qu'avait-il à faire? Rien, que de se retirer. Il les eût foudroyés de honte, accablés, en leur laissant tout. Mais sans doute les deux fins renards lui firent entendre qu'en restant il ferait encore un grand bien, ralentirait la baisse, que jamais, tant qu'on le verrait au timon des affaires, on ne perdrait cœur tout à fait. Du reste, qui avait amené cette triste nécessité? n'était-ce pas lui? Il fallait qu'il aidât à adoucir des maux dont il n'était pas innocent. L'édit, fort insidieusement, commençait par un hymne à la gloire du Système; bon moyen pour faire croire que Law était auteur, rédacteur de cette pièce. Ce fut exactement comme aux enlèvements pour le Mississipi. On s'arrangea pour lui faire imputer ce qu'il refusait, ce qui le perdait.
Signerait-il? Le Régent pria, ordonna; l'homme qui dès longtemps ne s'appartenait plus et se sentait perdu, signa son acte mortuaire.
L'effet fut effrayant. Tous ces gens se virent ruinés. Ils crurent que l'édit produisait ce qu'il constatait seulement. Ce ne fut qu'un cri contre Law. À peu ne tint qu'on ne le mît en pièces. Le 25 mai, émeute; on casse ses vitres, à coups de pierres. Le Régent eutpitié de lui; il le prit, et pour faire voir qu'il l'avouait de tout, il se montra le soir avec lui à l'Opéra, en même loge.
Cependant M. le Duc arrivait indigné de Chantilly. Il avait encore les mains pleines d'actions. Il fit au Régent une scène terrible et ne quitta pas le Palais-Royal qu'on n'eût amendé le tort qu'on lui faisait (dit-il); on lui promit quatre millions.
À ce prix, on dut croire qu'il couvrirait la Banque, défendrait Law au Parlement. Il alla y siéger, mais se garda
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