Histoire De France 1724-1759 Volume 18
comprendre l'extrême embarras du Jésuite quand la Tournelle le pria de ne pas exiger dans la confession qu'elle fût renvoyée avec honte. Pendant qu'elle parlait il voyait le dauphin absent. Tous le voyaient, ce lourd enfant sévère, le vrai juge de Louis XV, vrai croyant, intraitable, que rien ne ferait reculer. Il arrivait. Cela enhardissait et les princes, et les prêtres. Fitz-James, pour en finir, alla jusqu'à user des moyens populaires, faisant à la paroisse fermer le tabernacle, même ameutant le peuple, enfin de sa personne à grand bruit déclarant aux sœurs que le roi les chassait.
Le roi eut une peur extrême. Il fit, dit tout ce qu'on voulait, même un peu plus encore. Les médecins l'avaient abandonné. On le jugeait perdu. On démolissait sans façon la fameuse galerie. Déjà la solitude se faisait autour du mourant. Les ministres emballaient, et les princes partaient pour l'armée. L'absence desmédecins fut le salut du roi. Un empirique lui donna l'émétique. Et dès lors il fut beaucoup mieux.
La reine était venue, et il lui demanda pardon. Pour le dauphin, on craignait que la vue du successeur ne fît mal au malade. Au nom du roi, il lui fut défendu d'avancer plus loin que Verdun. Il y est le 15 août, et ses sœurs. La petite, Adélaïde, fort passionnée pour son père, se mourait d'être arrêtée là. Châtillon, le dévot gouverneur du dauphin, prit sur lui de continuer. Mais la vue du dauphin fut peu agréable à son père.
Promptement rétabli, le roi put passer en Alsace. Noailles et Coigny, inquiets, trop occupés de Metz, bien moins de l'ennemi, l'avaient (malgré leur force supérieure) laissé partir, laissé apporter à Marie-Thérèse un renfort redoutable qui accabla le roi de Prusse. Sans souci de son allié, Louis XV s'en tint à la petite affaire marquée pour but de la campagne. Il vit prendre Fribourg (octobre), ennuyé de la guerre et fort impatient de revenir à ses plaisirs.
Son retour fut une vraie fête. On lui savait un gré infini, non d'avoir rien fait, mais de vivre. L'invasion n'avait pas eu lieu. On fut ivre de joie. La cour l'appela le Bien-Aimé. Paris lui arrangea un triomphe d'empereur romain. Il entra lentement, et dans les carrosses du Sacre, pour qu'on pût jouir de le voir, qu'on se rassasiât de sa présence. Une part dans ces transports évidemment revenait à la reine, à ses douces vertus domestiques qui touchaient fort le peuple, à l'union rétablie de la famille royale. La maîtresse au contraire lui était un objet d'horreur. Au retour savoiture fut arrêtée à la Ferté, elle faillit être mise en pièces. À Paris, elle osa aller voir la rentrée du roi, se mêler à la foule; elle fut accablée d'affronts, on lui cracha au nez. Elle rentra désespérée. Tout son orgueil l'abandonna. Elle écrivait à Richelieu (pour le montrer au roi) que, si elle pouvait rentrer, elle ne demanderait nulle vengeance, ne ferait nulle condition, se rendrait «à l'ordre du maître.» ( Rich. , VII, 51.)
Elle était à ses pieds. Mais d'autre part le Roi, qui avait vu à Metz la bonté de la reine, sa passion pour lui, qui voyait la foule si heureuse de leur réconciliation, ne pouvait qu'hésiter à rompre encore, à mécontenter tout le monde. Loin de disgracier les amis du Dauphin, il avait désigné (octobre) M. de Châtillon pour l'honorable mission d'aller recevoir la Dauphine.
Tout cela agissait si bien qu'après ce long sevrage d'amour physique, il pensa à la reine. C'était la nuit du 9 novembre. La reine était couchée. Ses femmes entendirent gratter à la porte de la chambre. Elles dirent: «C'est sûrement le Roi.» La chose était peu vraisemblable après une interruption de quatre années. La reine, fort timide (de son infirmité), en avait presque peur. Elle dit: «Vous vous trompez. Dormez.» Avertie une seconde fois, elle fit même réponse. À la troisième fois où l'on gratta plus fort, elle se décida à faire ouvrir. C'était trop tard. Le Roi était piqué. Il traversa le Pont-Royal et alla tout droit rue du Bac, où sa maîtresse demeurait ( Rich. , VII, 53).
Elle s'y attendait si peu qu'elle fut comme foudroyée, s'évanouit. Puis, sentant mieux son avantage, elle reprit toute sa hauteur. Il s'excusait. Elle dit:«Je me tiens contente de ne pas être envoyée par vous pourrir en prison. Quant à retourner à Versailles, il faudrait pour cela faire tomber trop de têtes.» À grand'peine il obtint qu'il n'y aurait que des
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