Histoire De France 1724-1759 Volume 18
et d'honneurs.
Le vieux Noailles, très-vieux, écrit alors au Roi: J'ai vu 1709, l'année de mort et de famine, de guerre universelle où tout nous accabla. Nous n'étions pas aussi bas qu'aujourd'hui. ( Mémoires de Noailles. )
Mais le Roi est très-gai. Quitte de sa longue comédie, il peut donner carrière à sa haine pour le Parlement. Le lendemain du jour où l'enregistrement parlementaire lui assure les fonds pour six ans, tout masque est jeté bas. Il déclare que son Grand Conseil, sa justice de cour, est le tribunal supérieur, où l'on peut appeler du Parlement, dès lors subordonné. Ce Grand Conseil, ici à Paris, s'établit au Louvre. Encore un an, et les Parlementaires seront décimés, ruinés.
Il les sentait par terre et abandonnés du public. Il pouvait leur donner du pied. Dans sa gaieté étrange, il renouvela une scène de l'enfance de Louis XIV. Le Parlement dressait de grandes remontrances, et demandait le jour où il pourrait les présenter (19 oct. 1755). Il s'agissait pour lui de tout son avenir. Le Roi fit comme Anne d'Autriche quand ce grand corps, enrobes rouges, vint à elle, et qu'aux portes on l'arrêta, disant: «Sa Majesté prend médecine.»—Louis XV leur dit en riant: «J'ai pris certaines eaux, je suis assez embarrassé. Vous aurez mes ordres plus tard.» ( Barb. , VI, 209.) [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XVIII
GUERRE DE SEPT ANS
1756
Le roi ne riait guère. Il rit le 10 octobre. Il rit le 17 décembre.
Ses petites affaires allaient bien. Il espérait bientôt briser le Parlement. Il voyait aboutir son affaire de famille, son Infante enfin reine (l'Autriche offrait les Pays-Bas). Son commerce de blés n'allait pas mal. Enfin, le 25 novembre, on lui créa le Parc-aux-Cerfs.
Du grand désastre qui eut lieu le 1 er , qui écrasa Lisbonne, abîma tant de villes en Espagne, en Afrique, fit trembler jusqu'au Groënland, on ne sentit rien à Versailles. On s'en soucia peu. L'attention était tout entière au débat intérieur, à l'intrigue autrichienne. La Pompadour qui s'était vue en août au plus bas, en septembre (par la grâce de Marie-Thérèse) fut merveilleusement relevée; au plus haut en janvier. Jusque-là elle n'était qu'une favorite ( Duclos ), qui parmoment dominait les ministres. Depuis elle est reine de France.
Comment Vienne peut-elle réussir à ce point? En corrompant le Roi et la famille par le vain leurre des Pays-Bas, en gagnant pied à pied Versailles par la persévérante intrigue de la cabale lorraine. Pour entraîner la France, Vienne se fit française, flatta et imita Paris.
Cette œuvre difficile fut celle d'un grand homme de ruse, Kaunitz, un Slave sous le masque allemand. Nous l'avons vu venir ici (septembre 1752), avec notre Infante de Parme. Il observa de près pendant deux ans, et revenu ensuite près de Marie-Thérèse, procéda à ce que tout autre aurait cru impossible; faire de son Autrichienne, épaisse, orgueilleuse et colère, l'aimable amie de Louis XV, la convertir à l'esprit de Versailles, lui faire accepter les idées, les modes et les arts de la France, capter les gens de lettres, faire jouer au dévot Schœnbrunn les pièces de Voltaire par ses filles les archiduchesses.
Kaunitz avait vu, très-bien vu, la France, la royauté nouvelle: l'opinion. Deux choses lui avaient apparu: la caducité de Versailles et l'avénement de Paris. Paris alors éclate pour le monde et rayonne. La vie de cour obscure, furtive, est en parfait contraste avec les salons lumineux sur lesquels l'Europe a les yeux. Dans la honteuse éclipse de l'autorité souveraine, on admire d'autant plus la souveraineté de l'esprit.
On imita nos vices, je le sais, autant que nos arts. Pétersbourg, Vienne, prirent d'ici un vernis et le plus extérieur. On nous dépassa dans la forme, enn'atteignant guère le dedans. Kaunitz, notre ingénieux singe, pédantesque souvent dans son imitation, obtint pourtant ce qu'il voulait. Il mit Marie-Thérèse dans la voie des idées, des réformes, des lois, qui la rapprochaient de la France, de plus la firent maîtresse de l'Autriche elle-même.
Sa haine de la Prusse et sa rage pour la Silésie, sa soif d'argent pour la guerre imminente, rendirent la dévote docile à son ministre voltairien. Elle devint révolutionnaire dans la question des biens d'Église. Ces biens quasi-héréditaires dans les grandes familles, elle voulait au moins les grever, les sucer.
Elle observait et convoitait un beau repas, le bien des
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