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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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du dauphin, par cette Pompadour et lui chétif (Bernis), c'eût été monstrueux. Il obtint que la chose fût connue des ministres, examinée. Là, comme on pouvait croire, grande discussion. Machault, fort sensément voulait que l'on s'en tînt à la guerre maritime. C'était assez, et trop, sans se précipiter dans une guerre européenne pour être agréable à l'Autriche.
    Bernis n'osait pas être de l'avis de Machault. Lui qui avait tout fait pour nous amener là, il n'osait avouer qu'il avait agi comme un sot. Mais il aurait voulu que le pas en arrière, que le recul eût lieu par la Pompadour même. Il lui montrait le saut qu'elle allait faire. Elle, usée, maladive, elle allait de sa faible main prendre ce gouvernail énorme de l'Europe, dure barre de fer sanglante!... En quel moment, grand Dieu! avec une nation irritée, qui déjà parlait haut. L'embarras le danger, malgré elle, la feront tyran. Déjà elle a été forcée de s'assurer de la Bastille. Sinistre augure! Bientôt, il lui faudra peupler les cachots, les prisons d'État. Elle, née douce, sera entraînée à trembler, à sévir, à devenir cruelle!
    Elle n'était pas brave, ne sentait que trop tout cela. Elle serait restée à traîner, hésiter. Mais à la peur on opposa la peur. On lui fit croire que le roi allait avoirune maîtresse, une grande dame. Cela la mit hors d'elle. Elle était prise à la glu du pouvoir, en avait tant besoin! Elle disait: «Plutôt je me tuerai!» On a vu sa bassesse incroyable devant la famille, ses tentatives honteuses près du roi (pour servir n'importe comment). Il n'y eut jamais âme plus plate. Que devint-elle donc, dans cette anxiété, lorsque le ciel s'ouvrit, et que d'en haut Marie-Thérèse la souleva par une lettre (décisive vraiment pour le roi), l'appelant: «Chère amie, cousine!» C'était trop, la voilà pâmée, qui ne se connaît plus.
    Marie-Thérèse était déshonorée. Elle crut s'excuser en disant: «J'écris bien à Farinelli» (le célèbre ténor). Mais le chanteur, fort estimé, qui gouvernait la cour d'Espagne, n'était nullement ce que cette Poisson est près de Louis XV, entremetteuse et racoleuse, pourvoyeuse de petites filles. Kœnitz avait obtenu la lettre de sa grosse maîtresse, à l'insu du pauvre empereur. Ce mari dont l'énorme dame, malgré l'âge, eut toujours chaque année un enfant, quelque réduit qu'il fût au métier de mari, éloigné des affaires, eut cependant horreur de la boue où elle roulait. Quand il connut la lettre, il fut pris d'un accès de rire convulsif et strident. Il brisa plusieurs chaises. Il la voyait sifflée, huée partout, piloriée dans Londres. Elle y fut promenée (en effigie) par la Cité, exhibant sous la verge un monstrueux derrière, tandis qu'à côté Louis XV, maigre singe ou grenouille, présentait, chapeau bas, au roi George un petit placet.
    Tout ce que nos ministres obtinrent, c'est qu'on ne romprait pas avec la Prusse, qu'on lui enverrait ambassade.Essai tardif et ridicule. Pour gage d'alliance, on lui offrait une île... Tabago, aux Antilles. Frédéric en rit fort, dit qu'il ne voulait pas de la royauté de Sancho à l'île de Barataria. Il avait pris parti et signa contre nous son traité avec l'Angleterre (16 janvier 1750).
    Louis XV en fut indigné. Il voulait avec Vienne l'alliance offensive ! Bernis pria, obtint qu'elle ne serait que défensive , qu'on enverrait seulement 24,000 hommes. Vaine prudence! on ne s'arrête pas ainsi en telle affaire. Celle-ci, immense et monstrueuse, était un laminoir terrible, où, le doigt seulement étant mis, tout passait... le corps n'en sortait qu'aplati.
    Quel fut l'effet dans le public? Mon pauvre d'Argenson aîné n'est plus dans les coulisses. Il n'apprend le traité qu'avec tout le monde (mai 1756). On voit par lui (frère d'un ministre!) combien la France était dans l'ignorance de son sort. Vivement, naïvement, dans ces notes si brèves qu'il écrit pour lui seul, on voit l'amère surprise, l'effroi qu'on eut de tout cela. On voit aussi l'indigne imprévoyance des gens d'en haut, leur affreuse glissade en plein abîme, et leur air effaré, leur fausse audace de peureux qui tremblotent en fredonnant. La nausée en vient à la bouche, la bile et le vomissement.
    Le bonhomme, le simple, la Bête , Argenson, a des mots crus et forts: «Cela pourrait aller à la Révolution .» Le redoutable nom apparaît pour la première fois.
    «J'ai soupé avec les ministres... vieux libertins

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