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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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ne permettait nullement l'éclat et les honneurs qu'avait eus Henriette. Ni lever ni coucher , aucune exhibition royale. Madame, si hautaine, n'avait pourtant nul orgueil d'étalage. Elle avait une passion, et en vivait. Elle ne sortait point, et n'eût voulu voir que le roi. Elle ne mangeait point le jour, pour ainsi dire, se réservant pour un fort souper de minuit, selon les goûts du roi, en viandes épicées et vins forts. Il se sentait si bien désiré et voulu qu'il n'eût osé passer un seul jour sans la voir. Toutes ses froides fantaisies pour des enfants sans âme, ne l'éloignèrent jamais entièrement, au contraire, le ramenaient là. L'humeur altière, colère, n'y faisait rien. Même aux temps où il loge à part, où il ne soupe plus chez elle, il y déjeune tout au moins, il y apporte son café ( Campan ).
    Quelques rapports qu'ils eussent avant ce 27 décembre 1753, ce n'était rien auprès. Leur vie fut une, depuis lors, et tout à fait mêlée par la force des choses et par le local même. Dans ce Versailles immense, l'appartement royal est fort peu étendu. Il fut dès lors, on peut dire, occupé dans la partie intime et solitaire. Du côté de Madame et du côté du roi, des pièces intermédiaires tenaient les gens éloignés, à distance.
    Rien entre eux qui les séparât, nul valet, nul œil curieux. Elle pouvait lui venir à toute heure, selon les besoins du parti.
    D'autre part, lui aussi, en trois pas il était chez elle. Les lieux subsistent, et on le voit. Tout droit, de la chambre à coucher (par le salon de la pendule et deux pièces), il arrivait à elle, au petit cabinet et à la chambre, à la petite garde-robe, aux bains étouffés, bas, à l'oratoire obscur. Tout cela aussi seul que si l'on eût été à mille lieues de Versailles et dans l'île de Robinson. Les tête à tête de huit heures que jadis avait eus Bachelier près du roi, elle put les avoir en ce petit désert, tout fait pour son âme sauvage. La solitude a sa puissance, son démon. Il eut beau avoir mille échappées; ce démon toujours le reprit.
    Puissance tyrannique, surtout aux deux premières années. Le roi forcé par le besoin de ramener le Parlement, de flatter, de mentir, n'en est pas moins de cœur si fort pour le clergé qu'on obtiendra de lui la plus haute imprudence: Machault perd les Finances (4 août 1754) et passe à la Marine. Les Finances sont données à un ami de d'Argenson cadet, c'est-à-direau clergé, qui dès lors, ne craindra plus rien pour ses biens.
    Contradiction hardie. Mais le Parlement est crédule. Le roi l'amuse avec des mots. Il le charme en lui enjoignant de faire observer le silence qu'il impose au clergé, d'empêcher qu'on ne persécute les mourants, qu'on ne leur refuse les sacrements, la sépulture.
    Les prélats, qui ont le secret, font mine de se plaindre, mais filent le temps tout doucement. L'archevêque est têtu, seul ne compose pas. Il rompt le silence ordonné, fait refuser les sacrements. Le Parlement, très-fort, armé des paroles du roi, agit sérieusement. Il veut arrêter l'archevêque.
    Grande frayeur à l'archevêché ( Barb. , 84). Le deuil et la désolation sont encore plus grands à Versailles. La bonne reine en pleure tout le jour. La peur qu'on avait pour le roi en 1750, on l'a pour l'archevêque. «Le peuple de Paris n'y va pas de main morte.» On croyait voir déjà le martyr mis en pièces.
    Mais, d'autre part, comment oser se démasquer, prendre le parti du prélat, tant que le Parlement n'enregistre pas les impôts? La famille royale fit l'effort de bien jouer son petit rôle quand l'archevêque vint à Versailles. Tous, et le Dauphin même, madame Adélaïde, appuyèrent d'une main sévère la leçon que le roi lui fit. Cela calma et trompa le public.
    Cependant une Esther avait fléchi Assuérus. Il couvre l'archevêque, le sauve par le plus doux exil, l'envoyant chez lui à Conflans, aux portes de Paris. Le procès est escamoté, le Parlement trompé. Le roi lui écrit: «J'ai puni.» (3 déc. 1754.)
    Le peuple fut leurré par la scène publique et solennelle des sacrements portés, contre l'ordre de l'archevêque, à la place Maubert, chez une janséniste mourante. C'était une pauvre lingère, fille d'un chaudronnier. Mais le bon cœur du peuple était pour elle. Grande fut l'affluence de ce peuple trompé qui vit dans cette humble personne triompher la Loi même, la liberté de conscience.
    Cela se fit le 5 décembre 1754. Le 6, le Parlement

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