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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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l'Henri IV du Pont-Neuf, on avait mis: Resurrexit , et ce mot, dans l'émeute, avait été biffé. Cela bouleversa Louis XVI. Il alla se cacher, sanglotant, dans ses cabinets.
    On espérait beaucoup de ce pleureur, en l'enlevant à Reims, loin de ses précepteurs, pour la cérémonie du sacre. Là l'élève de Turgot retombait en plein Moyen âge. Et pis: on ôta même de l'ancien formulaire le seul point qu'on eût dû garder, le moment où le prêtre interroge le peuple, lui demande s'il voudrait ce roi . Mais on maintient (malgré Turgot) l'exécrable serment d'exterminer les hérétiques . Le Roi n'osa le refuser, barbouilla seulement des paroles inintelligibles. À Reims et sur la route, les cris: Vive le Roi! l'avaient fort attendri, les cérémonies ému. Levoyant à l'état où tout chrétien pardonne, la Reine osa lui dire qu'elle voudrait bien revoir Choiseul. «J'ai si bien fait, dit-elle, que le pauvre homme m'a arrangé lui-même l'heure commode où je pouvais le voir.» ( Arn. , 152.)
    La cabale de cour tirait de là l'espoir de glisser au Conseil un homme à elle. Turgot y met bon ordre. Il fit tout au contraire nommer celui qu'on attendait le moins après le sacre, l'homme le moins aimé du Clergé, Malesherbes, l'ami et protecteur des philosophes. Chose imprévue: le Roi, que l'on croyait dévot, nomma volontiers Malesherbes, et le chargea avec Turgot de répondre aux plaintes du Clergé qui demandait la mort pour les auteurs impies.
    Turgot avait dit franchement que, si dans ses réformes il touchait la noblesse, non le Clergé encore, c'était «parce qu'il ne faut pas se faire deux querelles à la fois.» Personne ne doutait qu'il ne reprît bientôt les projets de Machault. Le Clergé menacé s'unit à ses ennemis mêmes, seconda de son mieux les Choiseul et le Parlement.
    Donc le cercle se ferme autour de lui. Tous sont toréadors, et il est le taureau. Rien de plus grand que ce spectacle. Dans le mémorable duel qu'il eut avec le garde des sceaux Miromesnil, on sent à l'attitude de celui-ci qu'il a un monde derrière lui. Turgot, tout au contraire, est seul, mais qu'il est fortement armé! non d'idées seulement, de raison, de logique, mais de faits, mais de chiffres. On voit combien ce prétendu rêveur possède le détail infini, le positif des intérêts du temps.
    On a dit, répété, que Turgot, aveugle sectaire de son école Économique, ne pensait qu'à la terre et à l'agriculture. Mais tous ses ennemis, Miromesnil dans ce débat, Monsieur dans ses pamphlets, le Parlement dans ses remontrances, lui font précisément le reproche contraire. Ils l'accusent d'écraser le propriétaire , l'agriculteur, de favoriser tellement l'industrie qu'on désertera les campagnes ( Éd. Daire , 328, 335). Grief fort spécieux. L'industrie étant libre, beaucoup d'hommes en effet délaissèrent les champs pour les villes.
    Ce fameux défenseur des libertés publiques, le Parlement, voudrait laisser sur les campagnes la charge des corvées, blâme Turgot d'y suppléer par un impôt que tous payeront également, les privilégiés même. Il voudrait maintenir pour l'ouvrier des villes sa triste servitude sous les Corporations, l'apprentissage interminable et les frais écrasants qui rendent le métier inaccessible au pauvre, n'y laissent arriver que les enfants des maîtres, héritiers endormis des routines éternelles. Turgot, dans son beau préambule, pose avec grandeur le principe: «Dieu a fait du droit de travailler la propriété de tout homme. C'est la première, la plus sacrée de toutes.» ( Éd. D. , II, 302.)
    Les aigres résistances du Parlement trouvaient appui dans les gros marchands de Paris, les six corps de métiers. La fière boutique héréditaire fut furieuse, autant que Versailles. Turgot eut contre lui les seigneurs et les épiciers.
    Contraste curieux. L'étranger admirait. En France,tout paraissait hostile. Marie-Thérèse elle-même est frappée de la grandeur des résultats. La Hollande rend à Turgot un hommage significatif. Elle montre sa confiance, offre ses capitaux à un faible intérêt. Ce sage peuple, voyant en dix-huit mois l'ordre si merveilleusement revenu, sent bien que, pour la première fois, c'est un homme qui conduit la France.
    «Le Roi apparemment doit être bien joyeux?» Au contraire, de plus en plus sombre. Il avait dit à son avénement: «Je voudrais être aimé!» Et il ne voit que mécontents. «M. Turgot, dit-il, ne se fait aimer de personne.»
    Ce

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