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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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cent soixante lieues de routes. Mais c'est surtout dans les disettes que l'on connut son énergie, son indépendance d'esprit, même à l'égard de son École.
    L'abbé Véri, un de ses camarades, homme d'affaires, de coup d'œil juste et fin, sentit là le génie, la force, et fort habilement le fit accepter de Maurepas, de sa femme, leur montrant bien surtout que c'était un sauvage, un homme gauche, impropre à la cour, qui ne pouvait porter ombrage, un travailleur terrible, mais ne visant à rien, si bien qu'une fois en Limousin il n'avait pas voulu des grandes intendances, de Rouen, de Lyon même; qu'enfin, il était seul, sans appui, et que Maurepas le renverrait quand il voudrait.
    La mémorable scène entre Turgot et Louis XVI est bien connue ( Véri , Lespinasse ). Le jeune Roi lui pressa les mains, lui dit qu'il entrerait dans toutes ses vues, promit qu'il aurait du courage. Tous deux furent très-émus. Turgot, en sortant, écrivit la belle lettre où il dit tout l'esprit de son ministère: Ni surcharge d'impôt, ni banqueroute, ni emprunt; la seule économie et la production augmentée. Il pressent les obstacles, prédit presque son sort.
    Dans la réalité, il n'avait qu'un moment, cette première jeunesse du Roi dans ses vingt ans. Soulevée au-dessus de sa lourde nature par un élan sanguin de cœur, de sensibilité, dès vingt-cinq ou trente ans, Louis XVI devait retomber. Turgot, en trois années, voulut faire sa révolution.
    Il y avait en France un misérable prisonnier, leblé, qu'on forçait de pourrir au lieu même où il était né. Chaque pays tenait son blé captif. Les greniers de la Beauce pouvaient crever de grains; on ne les ouvrait pas aux voisins affamés. Chaque province, séparée des autres, était comme un sépulcre pour la culture découragée. Le vin, étant de même enfermé, à vil prix, au-dessous des frais de culture, on avait intérêt à arracher la vigne. On criait là-dessus depuis cent ans. Récemment on avait tenté d'abattre ces barrières. Mais le peuple ignorant des localités y tenait. Plus la production semblait faible, plus le peuple avait peur de voir partir son blé. Ces paniques faisaient des émeutes. Pour relever l'agriculture par la circulation des grains, leur libre vente, il fallait un gouvernement fort, hardi.
    Turgot, entrant au ministère, se mettant à sa table, à l'instant prépare et écrit l'admirable ordonnance de septembre, noble, claire, éloquente. C'est la Marseillaise du blé. Donnée précisément la veille des semailles, elle disait à peu près: «Semez, vous êtes sûr de vendre. Désormais vous vendrez partout.» Mot magique, dont la terre frémit. La charrue prit l'essor, et les bœufs semblaient réveillés.
    C'est là-dessus qu'avait compté Turgot, et plus encore que sur l'économie. Si la culture doublait d'activité, si le blé, si le vin, roulant d'un bout à l'autre du royaume, récompensaient leurs producteurs, la richesse allait croître énormément. L'État était sauvé.
    Ce n'était pas tout dans son plan. À la seconde année, Turgot déchaînait l'industrie, qui, libre tout à coup, allait décupler d'énergie, de volonté, d'effort.L'ouvrier fainéant, languissant chez un maître, allait, devenant maître, travailler nuit et jour. Heureux dans ce travail d'avoir à lui son métier, son foyer, bientôt une famille. Il n'enchérirait pas à plaisir, donnerait à bon marché tant de choses nécessaires à tous.
    À la troisième année, Turgot devait fonder l'instruction. Dans les cent arrêts du Conseil qu'il fit en dix-huit mois, lui-même il donne un admirable et souverain enseignement sur nombre de matières économiques et sociales. Il comprend toutefois que l'on doit s'élever soi-même, que l'on ne s'instruit bien que par son propre effort, surtout par l'examen et la discussion de ses intérêts. Il aurait assemblé, par communes, les propriétaires et les eût fait délibérer.
    Donc, Culture affranchie (1775), Industrie affranchie (1776), et Raison affranchie (1777).—Voilà tout le plan de Turgot.
    «Tout cela trop hâté?»—Oui, mais il le fallait. Il sentait sous ses pieds des rats qui lui creusaient le sol pour le faire bientôt enfoncer. Nous devons le donner, le plan de ces mineurs, leur marche souterraine, qui ne fut nullement fortuite. Ils marchèrent fort et droit. Leur objet capital (pour la plupart du moins) est visible et très-simple. C'est le retour de M. de Choiseul, triomphe de la cour et de

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