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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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léger des hommes avait choisi le plus austère. Il avait appelé l'esprit même du siècle et la Révolution près de ce jeune roi, dont le seul idéal, si différent, était son père, ou son aïeul, le duc de Bourgogne; il voulait adoucir, mais sauver les abus.
    On a beaucoup parlé de Turgot, et fort mal. On ne le comprend pas, si on ne le replace en ce temps , dans ces circonstances. Le temps, le temps, c'est tout. Laissez là vos systèmes. Seraient-ils bons en eux, ils sont absurdes ici. Ce n'est pas d'un pays quelconque qu'il s'agit: c'est de la France d'alors, opposée sous tant de rapports à la France que vous voyez.
    Partez d'un point d'abord très-sûr, c'est que la terre ne voulait plus produire, c'est qu'on semait le moins possible . La grosse affaire du temps était de réveiller la culture endormie, de faire qu'on voulût travailler, labourer, semer, vivre encore. Songez bien que le sol pesait à ses propriétaires; la terre leur était odieuse. On la donnait presque pour rien. Déjà un quart du sol de France était aux mains des laboureurs ( Letrosne ). Circonstance heureuse, ce semble, pour la production. Eh bien, on ne produisait pas.
    S'occuper d'industrie, avant l'agriculture, faire des habits de soie pour qui n'avait rien sous la dent, c'était la plus sotte sottise. C'était bâtir en l'air, comme font ces tableaux de la Chine, où vous voyez là-haut des palais, des kiosques, rien en bas, point de sol dessous.
    Il est plaisant de voir le banquier Necker, couché sur ses écus, injurier le propriétaire, «lion dévorant,» etc. Il était trop aisé de le décourager. Le difficile était de faire tout au contraire qu'il se reprît à la propriété, à l'aimer, à la cultiver, à la faire travailler, produire.
    L'école Économique fut le vrai salut de la France. Elle fit un vigoureux appel à la terre, à la liberté de vendre les produits de la terre. Elle hâta le grand mouvement qui mettait cette terre (à vil prix) aux mains mêmes qui la travaillaient. Ses exagérations furent très-utiles. Nulle autre théorie n'eût répondu aux besoins du moment, de cette France encore agricole, où la manufacture était fort secondaire, et où il fallait à tout prix défricher, augmenter la culture du seul aliment de la population d'alors.
    Assez sur les Économistes. Quant à Turgot lui-même, on lui a imputé tout ce qui lui venait de l'École. Je vois tout au contraire que, dans son intendance du Limousin, et surtout dans son Ministère, il s'en affranchit fort souvent, consulta les faits seuls, prit dans l'occasion telles mesures que les Économistes n'auraient approuvées nullement.
    Quant à sa politique proprement dite, qui la sait? Qui osera dire ce qu'il eût fait, s'il eût duré? Son ministèrede dix-huit mois ne fut évidemment qu'une préface. On le voit bien par la réserve qu'il garde sur tels points, le clergé, par exemple, qu'il ajournait expressément.
    Turgot, comme cadet, avait, bon gré mal gré, d'abord été d'Église. À vingt-cinq ans, il dit qu'il ne pouvait garder ce masque, et le jeta. Il resta solitaire, et dans sa vie on ne peut découvrir aucun rapport d'amour. Sa timidité et la goutte (mal cruel de famille) aidèrent à cette pureté; mais ce qui y fit plus, ce fut la vie terrible d'études en tous les sens qu'il entreprit, voulant conquérir le savoir humain, mais bien plus, le savoir pratique, l'action et l'administration. Toute science, toute langue, toute littérature, toute affaire, l'intéressaient. Je le vois à vingt ans faire un livre admirable sur la monnaie et le crédit , plus tard traduire Homère, Klopstock et Ossian, observer une comète, écrire à Buffon la critique de sa Théorie de la terre, formuler le premier la perfectibilité humaine.
    Il passa par le Parlement pour arriver à l'Intendance. On lui donna Limoges, le plus pauvre pays. Qu'était un Intendant? Ou plutôt que n'était-il pas? C'était un roi, ou à peu près. Quelqu'un a très-bien dit que, depuis Richelieu, notre gouvernement était celui de trente tyrans. Turgot le fut dans un sens admirable. Son labeur, sa rigidité, imposèrent tellement aux ministres qu'il obtint carte blanche et fit ce qu'il voulait. En treize ans, il changea le Limousin de fond en comble. Les grandes entreprises qui semblent regarder le seul pouvoir central, de son chef il les veut. Le cadastre, l'égale répartition des tailles, la réforme de lamilice, la création des écoles, on lui passe tout. Il fait

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