Histoire De France 1758-1789, Volume 19
n'ignora nullement qu'on achetait le collier pour elle ( Georgel , II, 66). Ils étaient trop prudents pour livrer un pareil objet sans être sûrs de son désir.
Mais la Reine n'écrivait jamais (sinon un peu à sa mère, à son frère). Vermond, Augeard, faisaient ses lettres. Dessales les écrivait; il était son faussaire en titre , comme en ont toujours eu les rois [17] . Même les signatures des lettres aux souverains n'étaient pas de sa main. Ses joailliers n'auraient jamais eu l'impudence d'exiger plus que n'en avaient les rois. Il suffit donc que Rohan achetât, et qu'on mît au traité qu'elle acceptait. C'est ce qu'on fit sans imiter son écriture . Elle-même le dit à Augeard.
On mit sur le traité: Antoinette de France —et nond'Autriche,—pour que cet objet précieux restât à la Couronne, ne devînt jamais autrichien, comme eût pu devenir Saint-Cloud, d'après les termes du contrat.
«Comment, dit-on, la Reine eût-elle désiré le collier? pour le cacher, l'enfouir? L'ayant refusé publiquement, elle n'aurait osé le porter.» Comme collier sans doute, mais fort bien sous une autre forme. Dès longtemps elle cherchait, achetait un à un des diamants pour se faire des bracelets. On le savait. Et c'est l'usage qu'elle eût fait de ceux du collier.
Ce funeste bijou (dont Georgel a donné la forme), en collier, en festons, était bien pour la Du Barry. Il était combiné pour faire valoir le sein, descendre sur la gorge fort bas, et scintiller à son onduleux mouvement. La Reine, plus âgée, ayant eu trois enfants, en eut paré plutôt ses beaux bras, ceux qu'on a admirés aussi chez sa fille. Elle aurait employé les gros diamants en bracelets, et les petits (des festons et des nœuds) pouvaient être vendus. C'est ce qui aidait fort à l'achat. Ces petits, qui valaient un peu plus de trois cent mille francs, suffisaient justement pour le premier payement, qui devait se faire en juillet.
Si l'on croit la Valois, le vrai collier, de gros diamants, valant plus d'un million, aurait été, chez elle, livré le 1 er février 1785, par Rohan à Desclaux, un garçon de la reine. Et les petits diamants, détachés du collier, auraient été vendus pour le compte de Rohan par la Valois ici, par son mari Lamotte en Angleterre, où l'envoya le cardinal. Ce mari prit des traites, pour ses frais de voyage, chez Perregaux, banquier du cardinal, fit sa commission sans le moindremystère. L'ayant faite, il revint , et rapporta trois cent mille francs (mai 1785).
Il revint. Notez bien ce mot. Si sa femme vraiment eût volé le collier, s'il avait eu les gros diamants (plus d'un million), s'il les avait portés, vendus en Angleterre, il y eût fait venir sa femme apparemment, mais ne fût jamais revenu .
C'est ce que dit le plus simple bon sens.
Quelque peu délicats que fussent le mari et la femme, une certaine chose assurait leur vertu. C'est que les gros diamants du collier, objet rare et si facile à reconnaître, étaient peu faciles à voler, dangereux, difficiles à vendre. Des objets de ce prix ne vont guère qu'à des rois.
La grande occasion pour laquelle la reine se préparait, voulait paraître avec tous ses diamants, c'était la grande pompe des relevailles, où, traversant Paris, elle irait rendre grâce à Notre-Dame. Triste fête, et d'effet sinistre. Elle fut accueillie avec un silence mortel. Elle revint désolée à Versailles. Le roi dit brusquement: «Je ne sais comment vous faites... Quand je vais à Paris, tout le monde s'enroue à crier: «Vive le Roi!»
On avait pris très-mal qu'elle achetât à Saint-Cloud, eût sa maison à elle pour rentrer à ses heures, et découcher à volonté. N'était-ce pas assez de Versailles et des bosquets de Trianon? Les amis de Calonne brodaient cruellement là-dessus. L'affaire d'Oliva s'ébruitait, et plusieurs soutenaient qu'il n'y avait pas d'autre Oliva que la reine. Rohan le croyait fermement, tâchait de le faire croire. Il avait encadré la rose et lamontrait à tout venant. Il faisait à Saverne, dans ses jardins épiscopaux, l' allée triomphale de la Rose . Sa fatuité outrageante, son délire sensuel pour se persuader son rêve, alla jusqu'à faire faire une galante boîte, d'écaille noire, entourée de diamants. Dessus, un beau soleil levant dissipait un nuage. Dedans, si l'on poussait un ressort, on voyait la reine en robe blanche, une rose à la main ( Beugnot ). Don d'amour? On l'aurait pu croire. Cela se donnait fort à un amant
Weitere Kostenlose Bücher