Histoire De France 1758-1789, Volume 19
exposée, corrigée .»
Mais quittons l'avant-scène. Que disait cette femme: «La reine a reçu le collier. L'accessoire du collier, les petit diamants (inutiles pour elle, et détachés par elle) ont été vendus par moi et mon mari à Paris et à Londres, sur l'ordre du cardinal, à qui nous en avons remis le prix, trois cent mille francs.»
Rohan niait cet ordre, niait avoir reçu l'argent, récriminait, disant: «Vous avez vendu le collier.»
Par là il se lavait de la vente des petits diamants; la Valois, selon lui, avait en même temps vendu les petits et les gros.
Rohan, du même coup, lavait la reine et lui. Tout retombait sur la Valois.
Le premier pas évidemment que la Justice avait àfaire était de s'informer à Londres, d'obtenir par le ministère qu'elle y pût faire enquête, d'y envoyer des hommes sûrs. Le ministère, le roi, devaient s'y entremettre. Inexplicable énigme: rien de tel ne se fit!...
Le roi, le Parlement, les ministres n'agissent pas. On se fie pour l'enquête, à qui? chose inouïe que ne croira pas l'avenir, on se fie justement à l'accusé Rohan et à ses gens. Un petit secrétaire de Rohan est envoyé avec un capucin qui prétend être sur la voie, pouvoir diriger la recherche.
Notons ce capucin, et admirons Georgel qui manipulait tout cela.
Si la fiction est poésie, création, Georgel fut grand poète, et vraiment créateur. Il inventa des choses, il inventa des hommes. Il fit sortir de terre deux moines, amis de la Valois . C'étaient des Mendiants, de ces rôdeurs, qui, tout en demandant, flattant, mangeant, observent. À Paris, c'était un P. Loth, un Minime, que la Valois sottement protégeait, à qui elle avait rendu un service essentiel, d'obtenir (par Rohan) qu'il prêchât à la cour. L'autre capucin, Irlandais, un P. Macdermot, son parasite à Bar, prétendit pouvoir désigner à quels marchands en Angleterre elle avait vendu le collier.
La Valois a donné, publié minutieusement le compte des petits diamants qu'elle vendit pour le cardinal, avec les noms, les dates et circonstances.
Mais Rohan n'a pas publié l'enquête de son secrétaire, du capucin, sur le collier, sur cette énorme vente qu'elle aurait faite, sur le million et demi qu'elleen eût retiré, sur le placement qu'elle en eût fait, etc.
Bonne ou mauvaise, la pièce rapportée par le capucin était favorable à la reine aussi bien qu'à Rohan (faisant croire que la reine n'avait jamais eu le collier). Donc, on pensait qu'elle serait fort bien reçue des gens du roi, du procureur du roi, qui l'admettrait les yeux fermés. On l'avait fait timbrer, viser à Londres par je ne sais quelle autorité. Cela ne disait pas grand'chose, n'impliquait nullement que cette autorité eût jugé cette pièce, la donnât pour valable. L'autorité était peu attentive à Londres, si j'en juge par tant d'histoires étranges, d'aventures, de désordres, de meurtres, vols et violences, qu'on a données pour ce temps-là.
Ce visa imposa fort peu aux gens du roi. L'œuvre du capucin leur parut très-informe, infiniment suspecte, de fort mauvaise mine, et ils refusèrent de l'admettre.
Un tel refus méritait le respect. Forcer la main à la magistrature, l'obliger d'accepter une pièce véreuse, qui, si on l'acceptait, tranchait toute l'affaire, c'était chose indigne et énorme. Mais encore une fois, cette pièce avait le grand mérite de couvrir à la fois et le cardinal et la reine. Les Rohan s'adressèrent au garde des sceaux, Miromesnil. Pouvait-il juger sur les juges, faire trouver blanc ce qu'ils avaient vu noir? Du moins ne devait-il examiner la pièce, et surtout inviter les prétendus Anglais dont elle donnait le témoignage, à venir s'expliquer eux-mêmes? Londres est-il donc au bout du monde? Miromesnil ne fit riende cela. Il força la Justice. Ordre aux magistrats de trouver la pièce bonne et de l'employer!
Une affaire engagée ainsi était bien claire d'avance. Les témoins qui d'abord avaient chargé Rohan, se dédirent, chargèrent la Valois. Et nul ne les reprit de leurs variations. Par exemple, Bœhmer et Bassange, les joailliers, eurent trois avis: d'abord contre Rohan, puis contre la Valois, longtemps après contre la reine. Quatre ans après sa mort, en 1797, trouvant Georgel à Bâle, ils finirent par lui avouer que la reine n'avait rien ignoré de l'achat du collier. Et en effet eux-mêmes, sans cette garantie, auraient été bien sots de livrer un pareil bijou.
Le procès fut un jeu. Le
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