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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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cardinal parlait assis, en robe rouge et barrette rouge. On le stylait, le dirigeait. On écrivait avec respect. La Valois, au contraire, bridée et muselée, devait marcher comme on voulait. Si elle hasardait un écart, le greffier n'écrivait plus rien. Georgel lui-même avoue qu'on se garda d'écrire telle échappée qui lui venait.
    Rohan lui disait une fois: «Mais, Madame, cela n'est pas vrai...;» elle répondit en souriant: «Monsieur, autant que tout le reste. Depuis que ces messieurs nous interrogent, vous savez que ni vous ni moi nous ne leur avons dit un mot de vérité.»
    Situation terrible. La Reine aurait voulu qu'elle chargeât le cardinal. Était-elle libre de le faire? Un violent parti se formait pour Rohan. Les Condés mêmes venaient solliciter pour lui. Si la Valois avait osé parler contre, on aurait crié: «Blasphème! elle ment!... Il faut la faire chanter » (la mettre à la torture).La torture, que Necker voulut supprimer, avait ses partisans, pouvait être ordonnée encore. À Aix (1780), avait paru l'apologie de la torture par Muyard de Vouglans, un président, membre du Grand-Conseil. Le pape Pie VI avait consacré cet ouvrage par son approbation. Le Roi en accepta la dédicace et maintint la torture jusqu'en mai 1788.
    Les Parlements y tenaient fort. Ce que le juge avait de terrible (et de bien cher aussi), c'était cette terreur, cet arbitraire énorme d'ordonner ou n'ordonner pas ce qui, au fond, tranchait tout, faisait qu'on s'accusait soi-même. Que de saluts très-bas, que de sourires des dames (d'autres faveurs aussi) au monsieur qui pouvait vous faire craquer les os?
    Donc la Valois rusait, était sage, ménageait Rohan. Les amis de Rohan la voyant désarmée, et n'osant se défendre, l'accablaient à plaisir, l'insultaient, s'en moquaient. On voulut voir jusqu'à cela pourrait aller. Cagliostro, par un mépris glacé, lui fit perdre enfin patience.
    Elle eut un accès effroyable de fureur et de désespoir. Un chandelier était entre eux, elle le prit, et le lui lança à la tête. Scène sauvage dont elle usa contre elle pour ne plus l'écouter du tout. On dit qu'elle était enragée, une bête féroce, qu'elle avait mordu son geôlier (ce qui pourtant se trouva faux).
    Ce qui achevait la Valois, c'est qu'elle avait contre elle non-seulement les amis de Rohan, mais les ennemis de la Reine, dont on la supposait l'agent. Ces ennemis, c'était tout le monde:
    1º Le Parlement, qui, forcé en décembre, dans unLit de justice, d'enregistrer les emprunts de Calonne, en voulut à la cour, crut la frapper dans la Valois;
    2º Calonne, fort branlant, ayant décidément épuisé le charlatanisme, et sachant que la Reine avait son successeur tout prêt, voulait la prévenir, l'avilir, s'il pouvait, la flétrir, l'écraser dans sa créature la Valois. Il ne paraissait pas, mais travaillait le Parlement par un tiers, Lamoignon (auquel il eût donné les sceaux).
    Le plus terrible pour la Reine, c'est qu'à ce moment décisif, s'ébruitait le traité par lequel Louis XVI avait arrangé les affaires de Joseph II avec l'argent français. L'Empereur, pour le mal qu'il avait fait aux Hollandais, exigeait qu'ils lui fissent réparation, lui payassent dix millions d'amende. La France en paya la moitié. Utile arrangement pour éviter la guerre. Mais le public s'en indigna, le trouva bas et lâche, crut y revoir le temps où la France payait un tribut à l'Autriche. On rappela l'année 78, et les quinze millions, tant de fourgons d'argent qui partirent de l'hôtel des postes. On soupçonna la Reine d'épuiser sous main le trésor. Et l'orage s'amassa contre elle. Cette haine tourna en amour pour Rohan. Par un effet bizarre, ce vieux libertin sale devient tout à coup une idole. Sa cause devient celle du droit, de la patrie, des libertés publiques.
    La cour amèrement regretta d'avoir tant ménagé Rohan. On revint à l'idée de l'attaquer par le point grave qu'on avait écarté, l'attentat à la Majesté , à l'honneur de la Reine. Pour cela, on voulait faire venir d'Angleterre un dangereux témoin, Lamotte,mari de la Valois. Plusieurs fois il avait couru le danger de la vie. L'ambassadeur français, ou plutôt les Rohan, l'auraient mieux aimé mort. Mais quand on vit l'affaire prendre si mauvaise tournure, la cour crut au contraire qu'on pouvait l'employer, faire témoigner par lui de l'insolence de Rohan, de ses mensonges indignes pour faire croire qu'il avait les faveurs de la Reine. La

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